31.12.11


Noël à la bougie

La soirée de Noël s'est déroulée à la bougie dans toute l'île.
Romantique, non?


Non! Rien de romantique dans tout ça, juste un autre conflit social qui ne débouche pas, à savoir EDM (électricité de Mayotte) qui se met en grève le 21 et des coupures pratiquées par les grévistes devant le refus de leur direction de leur octroyer les mêmes primes que leurs collègues ultramarins et le même statut que ceux de métropole, et leur direction qui leur dit qu'il faut s'adresser à l'État.
Mayotte étant à plus de 95% musulmane, les wasungus à priori chrétiens se sont sentis visés par cette coupure et les commentaires et accusations ont quelque peu entaché cette soirée, avant que tout rentre dans l'ordre vers 23 heures. Mais le mal était fait.
Les choses ne se sont pas calmées puisque des sabotages d'installations ont eu lieu, d'origine non-établies mais évidentes. Nouvelles tensions...si j'ose dire!
Et avant-hier soir, 28 décembre, un nouveau sabotage des installations a privé l'île d'électricité pendant plus de sept heures avec toutes les conséquences que cela induit. Comment vais-je retrouver mon congélateur, que j'ai tout de même presque vidé avant mon départ?
Et le conflit est dans l'impasse, ce qui rappelle de mauvais souvenirs. 

21.12.11

Touristes, revenez!

Ça y est , ils ont signé!
La grève avait repris lundi mais avec seulement 60 à 200 manifestants (selon les sources), aucun magasin fermé, ni les administrations, bref: le cœur n'était plus à reconduire un mouvement aussi dur qu'en octobre.
Alors on s'est réuni, 2 fois, et on a trouvé un accord de sortie de crise hier. Pas beaucoup de progrès mais il fallait sauver la face. Les diminutions de prix seront accompagnées par l'État, mais jusqu'en mars seulement, date à laquelle seront versés les premiers RSA (mais à seulement 25 % du taux pratiqué en métropole!) avec effet rétroactif au 1er janvier. Les bons de 5 € qu'on appelle déjà les bons Penchard combleront le reste pour les plus démunis.
Donc tout le monde est content, à commencer par la ministre elle-même qui s'est félicitée (décidément j'adore cette expression!) en rappelant bien sûr que le gouvernement a toujours tenu ses promesses, et l'intersyndicale qui crie victoire et surtout qui appelle à la reprise du travail.

La deuxième bonne nouvelle est un gros appel du pied aux touristes: les principaux lieux touristiques seront surveillés à compter du 1er janvier et pour 6 mois par des équipes formées à partir des 60 CES qui vont être recrutés, payés par l'État.  Il s'agira même, n'ayons pas peur des mots, d'« améliorer l’accueil et l’information des visiteurs » et de « favoriser le contact, les scènes de convivialité entre les visiteurs et la population locale ». Des thèmes qui ont déjà été abordés dans le passé, sans succès jusqu'à maintenant. Le Comité du tourisme souhaiterait également « impliquer la population dans l’art d’accueillir et d’informer les visiteurs » directement sur les sites touristiques.
On ne demande qu'à y croire, on espère que ces bonnes résolutions seront rapidement suivies d'effets, mais il y a beaucoup à faire, et aussi qu'elles arrivent jusqu'aux oreilles de tous les touristes potentiels.
Le plus urgent est de sécuriser ces sites car les "jeunes" Mahorais encouragés par leurs échauffourées avec les forces de l'ordre en octobre se sont rendus maîtres des lieux et rançonnent les promeneurs inconscients qui s'y aventurent encore. Et la nuit ils cambriolent les résidences des wasungus. (mzungu au singulier, wasungu(s) au pluriel)
C'est donc un immense soulagement pour tous ici: espérons que tous vont retrouver le sourire et que les communautés vont se débarrasser rapidement de ces propos nauséabonds lus ici ou là.
Enfin, Mayotte sera représentée au Salon de la Plongée à Paris du 13 au 16 janvier, histoire de faire connaître ce trésor qu'est le lagon mahorais et donc de faire (re)venir les touristes.

19.12.11

Bo Houss

Cadeau avant les fêtes!
Je vous ai déjà présenté Bo Houss,  avec sa Marseillaise version Mayotte.
Houssamouddine Kordjee de son vrai nom est un des meilleurs artistes Mahorais depuis plusieurs années.
Comme il vient de remporter la 3ème édition du prix Musiques Océan Indien à La Réunion ce weekend, il nous offre son dernier album, Shimaoré Tu, ce qui signifie "juste shimaorais".
Cette manifestation était initialement prévue à Mayotte en octobre mais annulée en raison des grèves.
Bo Houss joue une musique entre rap et hip-hop et ses paroles sont plutôt sages et généreuses, défendant avant tout l'identité de son île.
Bo Houss et son groupe ce weekend

Dans le commentaire laissé par la maison de production de Bo Houss, on vous informe que les paroles de ses chansons sont téléchargeables en shimaoré et en français sur http://www.akout.com/bohouss/
Comme dit mon copain Marc le DJ, c'est le meilleur!

17.12.11

Apocalypse Mayotte

Paru dans Le Point.fr, un article pour mieux comprendre Mayotte.
Le point de départ est la fin de la grève de 44 jours contre la vie chère, le 6 novembre dernier.
La reprise de la mobilisation est annoncée pour lundi prochain, et la ruée vers le riz se poursuit, telle une psychose, avec même des blessés.

Apocalypse Mayotte
Le Point - Publié le 15/12/2011 à 01:41
Explosif. Le 101e département français sombre dans le chaos. Reportage.
Au dernier jour des barrages, les syndicats ont mobilisé le Coran ; dans le sud de Mayotte, des Fundis venus des villages, les vieux sachants de l'islam vêtus de tuniques blanches, mènent des prières au carrefour de Bandrélé ; une foule de femmes en pagne, au visage maquillé de bois de santal, des jeunes au genre rappeur mais coiffés de la coufia, la toque des jours de fête. Et, surveillant le tout, l'élite syndicale qui bloque l'île depuis six semaines. Nous sommes le 6 novembre, la grève contre la vie chère touche à sa fin."Pas facile de mobiliser quand le salariat n'existe pas, constate Kaffar Djamiloudine, numéro deux de la CGT. La vie chère, tout le monde comprend. Si on avait demandé une hausse des salaires, avec 38 000 salariés sur 200 000 habitants, ça ne concernait personne."
Kaffar, chemise blanche de rocker, est un instituteur formé sur le tas ; 1 300 euros par mois."Avec ça, je suis un nanti !" Son épouse est secrétaire au conseil général : "Elles sont 40 comme elle à ne rien faire ; elle a été prise dans le sillage d'un politique. C'est le système." Kaffar a été formé par la CGT à Montreuil, roublard et marxiste à la fois. Et les prières ?"Sans elles, on n'a pas les mammas. On montre notre respect des traditions ; ça rappelle aux vieux les prières pour le rattachement à la France, il y a quarante ans." Les Fundis se sont tus. Boinali Said, leader CFDT, harangue en langue shimaoré. Il paraphrase Mirabeau. "Le peuple mahorais ne se séparera pas sans avoir d'avoir rendu la République plus juste !"
Ainsi lutte-t-on à Mayotte, le 101e département, entre sourates et slogans."Pour nous comprendre, abandonne les idées reçues", plaide le sénateur Thani Mohamed, avocat de 39 ans. Donc, contempler une apocalypse sans préjugés. Voilà une île, Mayotte-Mahoré, qui a voulu rester française contre la décolonisation, aujourd'hui un département ruiné dès sa naissance ; le conseil général ne paie plus ses factures, plombé par un clientélisme de survie et ses 3 000 employés ; l'économie est trustée par des Européens, le tourisme squelettique, quand l'île est une merveille ; le français est une langue étrangère, ignoré dans les familles, appréhendé à l'école, plutôt mal que bien. Ici, l'Etat chasse l'immigré venu des Comores ; on le traque, on l'embarque par paquets dans des camions grillagés ; parfois, la justice condamne l'Etat qui a expulsé un Français par erreur. La grève n'aura été qu'un chaos de plus.
Ici naissent 8 000 enfants par an, quatre fois plus que dans la Nièvre, de population comparable."Le rythme des constructions scolaires ne pourra jamais suivre le rythme de l'utérus des Mahoraises", aurait lancé le vice-recteur pour justifier le manque de classes. La phrase est devenue la preuve du mépris métropolitain, une injustice au surplus : "Comment peut-on accuser les Mahoraises ? Ce sont les Comoriennes qui ignorent la contraception", s'indigne Faouzia Cordjee, référence du féminisme local. Qu'importe : Mayotte se surpeuple. On peut accoucher dans un lit d'hôpital que l'on quitte après 24 heures, faute de place ; ou dans la voiture des pompiers, que les femmes appellent au dernier moment, par peur : on expulse aussi les femmes enceintes. On peut accoucher dans un bidonville, sur le sol en terre battue d'une case... L'île-hippocampe, verte et chaude, est un enfer social. Mamoudzou, la capitale, est un embouteillage égayé de publicités pour portables. Les radios invitent les habitants à remplir leur déclaration de ressources pour obtenir des allocations. Des gangs apparaissent. Pourtant, Mayotte attire, îlot français dans un archipel miséreux vers lequel convergent des Comoriens sur des barques surchargées.
Roukia, 17 ans, a un rêve : récupérer ses carnets de notes de l'an dernier, quand elle était bonne élève en quatrième. Ses parents, renvoyés à Anjouan, aux Comores, n'ont pas pu recevoir le bulletin. Elle reste dans sa maison de tôle, dans le quartier de Majicavo-Koropa, près de Mamoudzou, avec huit frères et sœurs, et une grand-mère qui ploie la journée dans les campagnes, à cueillir des légumes qu'elle revendra. Roukia a un autre rêve : que ses parents reviennent. Ils risquent la noyade en essayant. En allant au collège, elle s'inquiète de son contrôle de SVT. Et elle a faim. Ça pourrait être pire. Depuis le début de la grève, les gendarmes ne descendent plus dans son bidonville. Sa tante ne dort plus dans les champs, sa cachette des temps ordinaires. Dans un autre bidonville, on rencontre Nadjma, autre Anjouanaise de 17 ans, et deux enfants déjà, le premier d'un viol à 12 ans. Elle était en CM2 et n'est jamais retournée à l'école. Presque une routine.
Parias. Ils sont 6 000 mineurs isolés, estimation courante, dans une île de 200 000 habitants. Six mille enfants dont les parents ont été expulsés, laissant leur progéniture en France. Ce sont les enfants de la lutte contre l'immigration. Seule une association, Tama, s'occupe de leur sort. Ils sont souvent nés à Mayotte, donc en France, seront français s'ils ne s'empêtrent pas dans leurs dossiers, conservés précieusement dans des chemises en plastique - certificat de naissance, bulletins scolaires... Mais, en attendant, des parias. Les sans-papiers forment un tiers apeuré de la population. On voit parfois, sur le toit d'une habitation mahoraise, une cabane de fortune : celle du clandestin. Il est une coutume appelée moussada, l'entraide : je t'aide à construire ta maison, tu me nourris. Le moussada a bon dos, pour faire suer le Comorien. Il construit la maison du Mahorais, cultive son champ, n'est pas payé ; dénoncé parfois. Jadis, Mahorais et Comoriens formaient un peuple de cousins. Ce passé se purge dans le mépris."Elle a détourné des hommes", dit une éducatrice mahoraise, quand elle découvre une gamine de 13 ans, enceinte, prostituée dans un bidonville. D'autres interpellent des gendarmes qui embarquent les clandestins : "Ne laissez pas les femmes, elles vont voler nos maris !"
"Cette chasse aux immigrés empoisonne l'île de sa violence" , dit Me Thani . Quand la grève a commencé, en septembre, la violence s'est échappée. Les Mahorais ont découvert que les gendarmes pouvaient brutaliser des citoyens français. Un enfant de 9 ans, Nassuir Oili, est devenu borgne : un gendarme lui a tiré dessus au Flashball. Un homme est mort dans une manifestation. Des magasins ont été pillés, des Métropolitains molestés. Sous le département, la colonie n'a jamais disparu.
Ce n'était pas écrit, pourtant, quand Mayotte était vouée à la pêche, à la cueillette et au désintérêt d'un colonisateur lointain. En 1975, Mayotte choisit la France contre les Comores. C'est le début du malentendu. Tous les confettis de l'empire se sont construits contre Paris. Mais ici, pas de Césaire ou de Fanon. La colonie, c'est la liberté ! Mayotte est un oxymore. Le statut de département, entériné en 2009, aura été la revendication unique des élus."Du coup, on a négligé tout le reste", constate Thani. La France n'a pas mis l'île au niveau de son rêve. L'Etat a ouvert des écoles, des collèges, un hôpital. Insuffisamment. Un architecte idéaliste, Vincent Liétard, a quadrillé l'île de cases en dur, les "maisons SIM", et inventé un personnage de BD, Bao, petit Mahorais philosophe face au chaos quotidien. Mayotte a été une épopée ; mais les pionniers étaient blancs.
Junk food. En 1980, un voilier aborde l'île. A bord, Lukas et Ida Nel, deux Sud-Africains de 24 ans. Ils ont fait fortune dans des vidéo-clubs. Mayotte doit compter 50 000 habitants, 50 Européens peut-être. Les Nel importent des vivres ; ils ont branché un congélateur sur le générateur d'un notable local."On n'avait pas de téléphone ; Lukas faisait décoller son avion pour passer ses commandes par radio." Un jour, Ida trouve l'idée : "Un plat facile à partager ; à l'époque, les Mahorais mangeaient en famille dans une assiette commune." Ainsi naissent les mabawas, des ailes de poulet à frire ; elles deviennent l'aliment fétiche du Mahorais, pour lequel l'île s'est révoltée en 2011. Les cueilleurs de bananes et pêcheurs sont devenus carnivores de junk food.
"Le mabawa, c'est la partie la plus grasse, la plus dégueulasse du poulet, rage Faouzia Cordjee.Ida Nel s'est enrichie sur notre santé. Elle a amené la bière et l'alcoolisme ; avant, on buvait en cachette du vin de palme ! " Ida, veuve, millionnaire et prométhéenne, se demande pourquoi Faouzia lui en veut."Faire du commerce, c'est mal ? Les Mahorais veulent être fonctionnaires ou assistés. Avec Lukas, on a pris nos risques." (Aujourd'hui, Ida Nel est présidente de la Chambre de Commerce et d'Industrie, la CCI)
Ainsi est née Mayotte l'hybride. Française mais aliénée. Pas d'économie réelle mais des emplois politiques, ou une débrouille gênée par les nouveaux règlements. Les Mahorais, qui construisent leurs maisons selon des droits coutumiers, apprennent le cadastre et vont découvrir les joies des impôts locaux. La terre, parie-t-on, sera la prochaine cause de révolte. L'arrivée de la Sécurité sociale a exclu de la santé la foule des sans-papiers, qui se presse aux consultations de Médecins du monde.
L'inégalité ravage tout. Les Blancs, les m'zungus, en haut du pavé : toubibs, fonctionnaires, qui doublent leur salaire métropolitain. Ensuite, des Mahorais propriétaires ou salariés, émargeant à la modernité. Puis les Mahorais de l'assistance. Puis les illégaux. Les strates sont - parfois - traversées de solidarités de pauvres. A Majicavo-Koropa, Ibrahim, policier municipal, a des voisins sans-papiers ; il a épousé une illégale, il a ramassé sur des plages des immigrants noyés ; il répugne à chasser le Comorien."Tout le monde vit mal et je ne suis pas heureux ; je ne peux rien donner à mes enfants."
Rappeur. La télévision apporte l'écho d'un monde inatteignable. Le cinéma de l'île est fermé : le conseil général, propriétaire, ne pouvait plus payer les films ! La crise est identitaire. Faux département, fausse colonie, coupée de ses voisins. Les jeunes s'ennuient et rêvent. Dans le nord, au bord d'une plage de paradis, Kamil, dit Daddy Faya, fringué stylé au fond de la brousse, fait du raggamuffin sur des ordinateurs essoufflés dans son banga, sa case de terre. Sa maman le nourrit, qui vit d'allocs et de gardes d'enfants. Ses clips passent sur Kwezi, la chaîne branchée. Il ira à Limoges, peut-être, "pour découvrir qui je suis". Il y connaît des gens."Ça ressemble à quoi, Limoges ?"
Kamil rêve de France ; d'autres font le chemin à l'envers. A M'tsapéré, près de Mamoudzou, un jeune homme de 25 ans tisse sa culture hybride. Bo-Houss, fils d'un prof d'arabe et de Coran, a étudié en métropole, avant de revenir. Il est vedette du rap mahorais, qu'il psalmodie en ténor des îles. Crâne rasé, lunettes teintées, Bo-Houss fait beau gosse de métropole, mais ne pense qu'à conjuguer ses racines."Je suis d'ici, dit-il, embrassant la mer et la vieille mosquée. Et je parle de notre vie ; nos jeunes, qui veulent être inscrits dans le monde." Il chante une "mahoraise" sur l'air de Rouget de Lisle ; il remercie Allah et son père rétif au rap."Je me sens chez moi aux Comores, à la Réunion, à Madagascar. Les immigrés qu'on expulse, ce sont nos copains." Bo-Houss a été invité aux Francofolies de La Rochelle. On lui demande s'il est français."C'est une bonne question", dit-il, puis se tait. Mayotte commence peut-être avec son silence
CLAUDE ASKOLOVITCH, ENVOYÉ SPÉCIAL À MAYOTTE

Retards
64 % des élèves de CE1 de Mayotte ont échoué en 2011 à l'évaluation nationale en français, contre 8 % dans tout le pays. Ce seul chiffre donne la mesure du retard de l'île, que l'Etat ne compense pas. On dépense proportionnellement moins pour Mayotte que pour les autres DOM (3 613 euros par habitant, contre 5 056 à La Réunion).

Histoire
1841 Mayotte est vendue à la France par son sultan, qui veut se protéger de ses voisins.
1974 Les Mahorais refusent l'indépendance pour ne pas être comoriens.
2009 Mayotte devient un département.(effectif en 2011)
2011 Le préfet Denis Robin impose la baisse du prix de la viande pour mettre fin à une grève de six semaines.

9.12.11

Ruées vers l'or blanc et l'or noir

Il y a des signes très inquiétants depuis quelques jours.
Tout d'abord, le préavis de (reprise de) grève a été déposé hier, après un essai de négociations sur la durée de la baisse des prix des denrées de base, que les syndicats voudraient illimitée et que l'accord proposé limitait à fin mars.
Puis il y a eu un autre préavis de la part d'EDM (électricité de Mayotte), le prestataire unique de la précieuse source d'énergie, à partir du 21, avec des coupures prévues, ce qui est très embêtant surtout pour tous les "vacanciers" de fin d'année, c'est-à-dire, vous l'aurez compris, nous les métropolitains en priorité.
Depuis 2 ou 3 semaines, c'est donc la ruée vers les sacs de riz, que certains achètent par 5 ou 10 (voire 15!) sacs de 10 kg, au début par crainte d'une pénurie consécutive aux inondations thaïlandaises, approvisionnement majeur ici, puis de peur de revivre la disette connue en octobre suite à la fermeture forcée des magasins pendant la première période de grève. Chat mahorais échaudé craint l'eau froide, surtout qu'il n'est déjà pas gras.
Aujourd'hui, grève surprise chez Total, avec une autre annoncée pour la semaine prochaine, en raison du licenciement d'un employé reconnu coupable d'être "parti avec la caisse". Et quand on sait qu'à Mayotte, chez "Total, vous ne viendrez pas chez nous par hasard" car c'est le seul distributeur, et que les grèves du pétrolier sont dures et récurrentes, c'est la panique aux pompes et son corollaire, les files d'attente.
Alors tous se préparent à une nouvelle période difficile, prennent toutes leurs dispositions comme si un cyclone devait s'abattre sur l'île, mis à part le reclouage des tôles. Et un cyclone n'est pas à exclure...
Donc, quand je partirai en métropole, je devrai vider mon réfrigérateur-congélateur, barricader mon appartement après y avoir tout rentré moto comprise, et quand je rentrerai de métropole en janvier, il me faudra du riz et des conserves dans mes valises, de l'essence dans ma voiture, que la barge ne soit pas en grève, qu'il n'y ait pas de barrages et que je m'attende à être cambriolé quand même!
Mais ce n'est peut-être qu'un scénario-catastrophe.

4.12.11

Touristes, fuyez!

La phrase de la semaine, lâchée par un leader syndicaliste Mahorais:

"Ceux qui veulent venir pour les fêtes de fin d’année à Mayotte, c’est pas la peine !"

Bien sûr, il faut peut-être y voir un zeste de provocation et d'avertissement quant à l'échec des négociations en cours, mais si on y réfléchit "à la métropolitaine", c'est une provocation de plus pour les Mzungus.
La reprise de la grève lundi 19 décembre est brandie comme la seule issue possible, et ce n'est pas une bonne nouvelle. Beaucoup de voix s'élèvent contre la désinvolture et le jusqu'au boutisme des syndicats restant en lice pour l'ultime combat, d'autres s'interrogent sur la légitimité de leur soutien présenté comme massif, etc...
Il reste qu'avec des propos comme ceux-là, les touristes ne sont pas près de venir enrichir une économie aux soins intensifs, la confiance sera longue à revenir.
La Réunion, Maurice, Madagascar, Les Seychelles, Zanzibar, le Kenya, la Tanzanie, l'Afrique du Sud, toutes ces destinations dans la région sont préférées pour cette fin d'année.
Ici, en attendant mieux, il commence à pleuvoir régulièrement, les litchis de Madagascar (à 3,45 € le kg tout de même), sont les autres vedettes de la semaine et remplacent peu à peu les mangues à 2,40 € et il n'y a plus de salade! Mais on a retrouvé des oranges après 3 mois d'interruption et elles proviennent d'Égypte.
Et les bébés makis ont lâché leur mère et testent leur sens de l'agilité dans les acrobaties... Tous n'y arrivent pas! C'est la nature.


28.11.11

En croisière à Mayotte

Le premier bateau de croisière de l'été a fait escale à Mayotte aujourd'hui.
Venant des Seychelles et repartis ce soir pour Nosy Bé (Madagascar), ses 165 croisiéristes ont été soigneusement accueillis pour redorer une image de l'île quelque peu ternie ces derniers temps. Ils ont trouvé l'île authentique et les femmes "bien habillées"!
Il devrait être suivi par un autre le 31 décembre et encore 3 ou 4 jusqu'en mars.
L'année dernière, la saison des croisières avait tourné court après une attaque de pirates dans le canal du Mozambique.
C'est une aubaine pour les commerçants alors qu'on annonce une reprise de la grève pour le 19 décembre...

27.11.11

Bonne année 1433

Je ne suis pas sûr que les quelque 180 000 musulmans de Mayotte sachent qu'ils viennent de passer, hier exactement, en l'an 1433 de l'Hégire, l'exode du Prophète (point de départ en 622 et années lunaires).
Cette nouvelle année est peu fêtée mis à part dans les madrassas, elle est moins importante que dans d'autres civilisations, en tous cas ici.
Ce matin, il a plu copieusement, pour la première fois depuis 6 mois, et certains y voient un présage pour une heureuse et fertile année Inch Allah, d'autres y voient peut-être le début de la saison des pluies, et les plus raisonnables ont vu Éva Joly débarquer de La Réunion pour sa campagne électorale à Mayotte.

Abou Chihabi

Vu hier soir en concert, voici un artiste d'origine Comorienne qui a marqué l'histoire de son pays.
En effet, il en a écrit l'hymne national en gagnant un concours organisé par le pouvoir "révolutionnaire" du moment, qui choisit sa composition en 1976. Il en a été chassé en 1978 par un coup d'État. Il a traîné sa tristesse et sa colère sur les routes du Kenya et de Tanzanie. Il s'est fait un nom dans cet exil. Il a été récompensé par RFI, participé à trop de festivals pour s'en souvenir. Il était à la première Fête de la Musique en 1983, entre Jack Lang et Danièle Mitterrand.
Les aspects de la société comorienne sont présents dans ses chansons. Sans être un combattant, ou un militant, il témoigne à sa façon des grandes pages de l'histoire de "son" continent et de ses difficultés sociales: le départ des mercenaires, la fin de la discrimination raciale en Afrique du Sud... et dénonce tant et plus l'injustice, le déni des droits, l'hypocrisie, l'oppression. Mais Abou sait aussi décrire la pureté de l'innocence (Innocence, pureté, foi = Imani na amani), l'honnêteté des sentiments et la paix. Et appelle les hommes à se réunir, à une plus grande tolérance. 
Sa musique est délicate, légère, harmonieuse, à la guitare, l'harmonica ou le saxo. Il était hier soir avec Anne-Julie Brutoux, dont la voix juste se marie parfaitement à la sienne.


Pour l'hymne national des Comores, c'est ici, avec des paroles et a capella.
Au passage, rappelons que les Comores revendiquent toujours le retour de Mayotte au sein de la nation en chassant "les colons blancs"!

24.11.11

50 millions

Le gouvernement a décidé de débloquer 50 millions d'euros pour éteindre le feu et réparer les dégâts engendrés par 43 jours de grève.
Pour certains, c'est bien, pour beaucoup d'autres c'est inapproprié et/ou insuffisant.
Inapproprié parce que ce sera que pour des commandes publiques (routes, écoles, logements, assainissement et adduction d'eau, équipements publics) qui sont nécessaires et qui généreront quelques emplois provisoires, mais ce n'est pas le plus urgent.
Insuffisant car tout le secteur productif est oublié et c'est pourtant celui-là qu'il faut développer rapidement pour faire baisser les prix.
À propos de prix, les bons de 5 € de l'État attribués mensuellement pour les produits de première nécessité et pour 4 mois aux 14000 familles Mahoraises les plus démunies (jusqu'à 600 € de revenus par mois) sont arrivés aujourd'hui. Là encore, des oubliés...

Pour l'instant, la grève est suspendue, les responsables syndicaux expliquent à la population pourquoi ils n'ont pas signé.
Une centaine de profs aurait demandé de partir en janvier en rompant leur contrat, ou en juillet en ne le renouvelant pas. C'est aussi le cas de certains personnels de l'hôpital de Mamoudzou. L'insécurité a fait des dégâts!
À part ça tout va bien, on vient d'entrer dans la saison cyclonique, en tout cas pour le plan de prévention des risques.

22.11.11

L'aéroport: piste longue ou pas ?

Quand vous arrivez à Mayotte, c'est le plus souvent en avion.
Vous atterrissez (ou atterrirez) sur la piste de l'aéroport international de Dzaoudzi-Pamandzi, d'où le code DZA, sur Petite-Terre. Et vous verrez ceci:
Ça, c'est quand tout va bien: beau temps, pas de vent. Mais les pilotes qualifient la manœuvre d'approche et le "landing" de délicats, voire à risque.
En effet, une colline se trouve au bout de la piste, des constructions et surtout des habitations jouxtent l'aéroport et, en saison humide (elle arrive), les conditions deviennent vite périlleuses.
Récemment, un vol de CorsairFly au pilote sans doute pas assez expérimenté, a tenté plusieurs fois son atterrissage par temps de forte pluie, avant de se dérouter vers Madagascar où l'équipage est habituellement remplacé. Il s'est dit que certaines balises étaient en panne, ce qui devait être vrai, car aucun accident ne s'est produit à l'atterrissage sur cette piste. Les passagers ont dû au minimum se poser des questions...
Quoiqu'il en soit, il faut dire que l'arrivée est toujours musclée avec un gros "freinage" qui vaut des applaudissements pour le pilote à chaque manœuvre réussie!
Le problème de la piste est sa longueur: 1930 mètres, ce qui interdit des arrivées et des départs à pleine charge et également les gros porteurs.
















Alors depuis longtemps, on parle ici de rallonger la piste, dont une partie a déjà été gagnée sur la mer, pour autoriser de plus gros avions et assurer des vols directs vers la métropole. L'avantage est de raccourcir le vol de trois heures et logiquement de baisser le prix du billet, mais ce dernier point ne sera finalement pas automatique (le kérosène est ici 40% plus cher qu'à La Réunion par exemple!)
Donc, depuis mars est lancée une consultation de la population avec déjà une trentaine de débats publics organisés.
Voilà l'enjeu:
Une piste longue pour assurer le plein développement économique et touristique de l'île.
Mais l'agrandissement se fera par la construction d'un remblai de 4 millions de mètres cubes qui aura un impact néfaste sur le lagon, ses courants, sa faune (tortues, dugongs entre autres) qui provoque une forte opposition d'associations pour la nature et plus récemment d'une association mondiale de surfeurs.
Pour eux ce choix ne doit pas être systématique, d'autant plus qu'entretemps, la compagnie Corsairfly assure des vols directs depuis la métropole (mais pas dans l'autre sens car pas de décollage possible à pleine charge de carburant donc passage par Antananarivo obligé), et surtout que la compagnie Air Austral (réunionnaise) qui avait jusque là une sorte de monopole sur la région a pris les devants.
Vol inaugural le 29 août en provenance de Seattle (USA) sans escale
Air Austral a acquis deux Boeing B777-200LR capables de décoller à pleine charge et compatibles avec la longueur de piste actuelle pour effectuer trois vols hebdomadaires entre Paris et Mayotte. Cette ligne, qui devait entrer en activité en octobre dernier, a été reportée au printemps 2012, pour cause de retards dans les travaux, ce qui au passage m'a valu 5 changements d'horaires pour mon séjour en métropole pour les grandes vacances australes en décembre.
L'argument de la ligne directe devient donc caduc en partie, mais d'autres compagnies demandent elles aussi ces aménagements car possédant d'autres appareils, et mettant en avant la concurrence. Pour l'instant, des vols d'Air Madagascar, de Kenya Airways et de Comores Aviation complètent l'offre.
Sans doute ce projet verra-t-il le jour, dans 2 ou 3 ans, mais il faut espérer que les dégâts seront minimes et toutes les précautions prises, en ayant à l'esprit que les progrès techniques des appareils n'imposent plus la réalisation de ce projet. À suivre...

20.11.11

Les Abeilles ont le bourdon

Les Abeilles mahoraises auraient dû imiter leurs homologues métropolitaines: ne pas sortir quand les températures sont en-dessous de 10° C.
Comme le soleil ne s'est pas montré, elles paraissaient un peu désorientées sur le terrain, d'autant que les Vosgiens ne leur ont pas fait de fleur: elles sont allées 6 fois chercher le ballon dans leur ruche filet qui n'était même pas en nid d'abeille!
Pourtant, de nombreux supporteurs étaient venus de la région et même de plus loin (Marseille) et ils faisaient plus de bruit que le rare public Raonnais. Mais ils n'ont pas pu applaudir un but des ultramarins.
6-0 score final.
Dans 2 ans, Mayotte pourra accueillir ce genre de rencontre car ils auront enfin un stade homologué. Cette semaine, le n° 2 de la FFF, en visite à Mamoudzou, a promis un terrain synthétique aux normes nationales.
Les six autres équipes ultramarines engagées dans ce 7ème tour ont souffert.
En métropole:
-  Vitréenne F.C. 4 – 0  US Matoury (Guyane)
-  Compiègne AFC  9 – 0  FC Gaitcha (Nouvelle-Calédonie)
-  Ivry US Football 4 – 2 CS Belimois Le Lamentin (Martinique)
En outre-mer:
-  AS Tefana (Polynésie Française)  1 – 2  Red Star F.C. 93 
-  Evolucas Lamentin  (Guadeloupe)  0 – 5  Avranches US
-  US Le Tampon  (La Réunion)  3 – 3  (2 tab 4) Amnéville CS Orne
                                                   

16.11.11

Les Abeilles de M'Tsamboro

Il ne s'agit pas d'une variété endogène d'abeilles capables de féconder les fleurs de la liane de vanille. Là comme ailleurs (sauf au Mexique où les dites abeilles existent), l'obtention de la fameuse gousse se fait en fécondant la fleur manuellement.

Non, l'ASC Abeilles est le club de football du village du nord-ouest de Mayotte.

Et pas n'importe lequel: c'est LE meilleur club cette année qui a remporté le championnat honneur (la plus haute division ici) qui se déroule de mars à novembre, et surtout la coupe de Mayotte.
Par conséquent, c'est le club de Mayotte, le représentant mahorais qui jouera le 7ème tour de la Coupe de France, la coupe aux grandes oreilles, la seule, la vraie, la nationale!
Ce sera samedi 19 à 14h30 en métropole, en Lorraine, contre le club de CFA de Raon l'Étape, qui s'est déjà illustré dans cette compétition.
Alors ce sera sans doute difficile, d'autant qu'il y a 2 divisions d'écart au moins, et sans doute 20 degrés de moins, mais c'est la coupe, alors l'envie gomme parfois les différences et crée les surprises.
En espérant que le froid n'engourdisse pas les Abeilles... mais ils auront tous les Mahorais des Vosges et même de la région pour les encourager. ABEILLI!!  ABEILLI!!

13.11.11

Le parc naturel marin de Mayotte

Pour changer, voici de sublimes images de Mayotte. Tout le monde en a bien besoin, surtout ici.
Elles montrent qu'il est grand temps de développer le tourisme pour que ce joyau bénéficie enfin d'une vraie reconnaissance.
Mayotte possède en effet le premier parc naturel d'Outre-mer, et même si sa création semble surtout avoir été opérée à l'image du président qui l'a entérinée, c'est-à-dire trop rapide, c'est maintenant un atout très fort pour l'île. Pourtant, il est heureux que les touristes soient encore peu nombreux car ils ne pourraient pas être accueillis en grand nombre: en accélérant la création, on a oublié d'inventer tout ce qui va avec pour les recevoir.
Et Mayotte étant encore un territoire lors de la naissance du projet, les contraintes étaient moins nombreuses, les consultations et études en tous genres sur les impacts ont été rapidement menées. Bref, on a mis la charrette avant le zébu!
Ceci étant dit, il faut que les Mahorais se saisissent de cette chance, s'ouvrent plus sur la mer et sa richesse et veuillent vraiment choisir la direction du développement du tourisme. Ce n'est pas encore le cas.
Gérer cette zone, en orange ci-dessous, de près de 70 000 km² sera difficile.

En attendant, régalez-vous de ces images, 13 minutes de bonheur signées Franck Grangette, que je n'ai pas pu visionner en entier car après 3 heures de téléchargement en Très Bas Débit, je n'ai pu en voir que 3 minutes et j'ai abandonné... Elles sont prometteuses, presque trop belles.

12.11.11

Méchants requins

Ça va mal à La Réunion!
Depuis le début de l'année, il y a eu 6 attaques de requins. La dernière a eu lieu hier, à l'est de l'île pour la première fois. Un apnéiste s'est fait "croquer" sa palme en remontant à la surface et il a perdu plusieurs orteils.
Les bodyboarders ont perdu 2 des leurs (voir Méchant requin et Des nouvelles des requins), 2 autres ont été blessés, et un autre en pirogue s'en est sorti également blessé.

Des mesures ont pourtant été prises, plusieurs squales ont été capturés pour leur placer deux balises afin de mieux les suivre, des filets ont été posés pour protéger les baigneurs et encore d'autres décisions, mais on ne comprend pas exactement pourquoi ils sont plus nombreux à être agressifs que les autres années, en tout cas pas encore.
Pendant ce temps, l'incendie du Maïdo est presque éteint (eh oui, ça brûle encore, sous contrôle, dans la tourbe).

10.11.11

Journée de dupes

C'est quand on croit que c'est fini que ça recommence!
La signature prévue aujourd'hui n'a pas eu lieu faute de syndicalistes qui annonçaient pourtant avant-hier qu'un accord satisfaisant avait été trouvé grâce à eux, avant de se faire porter en triomphe par la foule.
Foule qui l'instant d'après n'appréciait que mollement les décisions "arrachées" aux vilains distributeurs. Mais qu'à cela ne tienne, on suspendait la grève en attendant la signature ce matin.
Seulement, ils avouaient après qu'ils avaient demandé des garanties et s'empêtraient hier soir à la télé dans des oui mais, des à condition, des il-fallait-bien-que-l'économie-reprenne-car-nous-sommes-des-syndicalistes-responsables etc, etc,... avec un art de se gargariser des bons mots de la langue française qui donne l'illusion d'une culture et une intelligence supérieure comme on en entend souvent chez d'autres dirigeants africains. Bref, en s'écoutant parler.
Un pas en avant, un pas en arrière...
Mais les voix commencent à être nombreuses qui en ont assez de cette grève qui s'éternise, même s'il est vrai que les barrages ont disparu (pour l'instant; on est à Mayotte, ne l'oublions pas) et que les activités ont repris.
La Poste annonce même aujourd'hui que la distribution des colis et du courrier de et vers Mayotte, qui avait été interrompue depuis le 12 octobre, va enfin reprendre.
Denis Robin, lui, a repris l'avion à 14 heures pour Paris, sa négociation étant pour lui terminée.
Hier soir, un de mes collègues (mzungu bien sûr) a été attaqué chez lui à coups de pierres puis cambriolé: scène de la vie qui devient malheureusement ordinaire, sans que les mêmes "responsables" ne s'en émeuvent sérieusement: pourquoi? seraient-ils d'accord au fond d'eux-mêmes?
Non? Alors qu'ils le crient haut et fort avant que la vengeance annoncée ne se produise!

9.11.11

Sortie de crise annoncée

Prudence, c'est l'attitude de la plupart des Mahorais, car il faut bien rappeler que nous avons tous été souvent échaudés pendant ces 43 jours de grève contre la vie chère.
Pas d'explosion de joie, des satisfactions mais aussi des déceptions et des amertumes, on sent que tous voudraient tant être soulagés s'il n'y avait pas cette retenue qui a empêché la sérénité aujourd'hui.
Lundi matin, tout avait mal commencé car les négociations ont duré 20 minutes, à cause de la présence du signataire du 17 octobre (affilié à FO) qui avait fait éclater l'intersyndicale.
Hier, grosse manifestation à Mamoudzou pour faire sentir aux autorités et distributeurs que la mobilisation n'avait pas faibli. Et peut-être pour que les manifestants se rassurent aussi.
Hier soir, Denis Robin a choisi de présenter un protocole de sortie de crise après avoir obtenu la baisse des produits qui continuaient de bloquer les négociations: le prix de la viande de bœuf (le poulet a déjà baissé), le prix du sable et celui du gaz, et pour 3 mois de plus (jusqu'en mars, date de l'entrée en vigueur du RSA).
Bien joué, sire Robin, Marianne peut souffler...
À la sortie vers 23 heures, les syndicalistes ont exprimé leur satisfaction et ont présenté les résultats à la base qui a accueilli plutôt résignée ces conclusions. La suspension de la grève a été décidée, jusqu'à la signature définitive espérée pour demain.
Aujourd'hui, des sourires reviennent, mais un peu crispés car le Mahorais est prudent, et aussi parce que le travail à rattraper est immense. Sans parler des dégâts qu'ont provoqués les déclarations anti-mzungus, les agressions (qui continuent, un instit tabassé et poignardé à la main pour un mobile ce soir, à l'IFM) qui elles mettront longtemps à cicatriser à condition qu'elles cessent. Il faudra du temps et une police intelligente pour endiguer une insécurité qui explose en ce moment.
Et, bientôt, on pourra enfin reparler de Mayotte de façon positive! Mais attendons déjà demain...

6.11.11

Robin au secours des pauvres ?

Aujourd'hui, c'est la grande fête musulmane de l'Aïd El Kebir. Certains Mahorais sont à La Mecque après avoir déboursé plus de 3000 € pour le voyage uniquement!
Pendant ce temps, la grève se fait discrète, l'ex-préfet Denis Robin discute avec les Mahorais et les syndicalistes analysent le rapport sur les prix à Mayotte que leur a remis Stanislas Martin, avant de tous reprendre les négociations demain.
Avec un petit pavé lancé hier par Victorin Lurel, député PS de la Guadeloupe, chargé des outre-mer:
"La dépense budgétaire annuelle totale de l'État par Mahorais s'élève [...] à 3.613 euros. Or, dans les quatre autres départements d'outre-mer, cette dépense est en moyenne de 5.613 euros par habitant", relève le député de la Guadeloupe, détaillant: "5.403 euros en Guadeloupe, 6.425 en Guyane, 5.570 en Martinique et 5.056 à La Réunion.
Ce choix budgétaire est d'autant plus critiquable que c'est bien à Mayotte que le PIB par habitant est le plus faible de tous les outre-mer ..." (AFP)

Ce qui fait dire ici que les Mahorais sont en "sous-France"!

3.11.11

Les (autres) risques du métier

Nous, les enseignants, n'avons pas été appelés à la grève par nos organisations syndicales et je persiste à penser que les enfants sont, en ces moments troublés, bien mieux à l'école que sur les barrages.
Ce préalable étant posé, les événements ont des conséquences inévitables sur notre profession.
Depuis la rentrée des vacances d'octobre, dans mon école comme dans d'autres, nous pratiquons la semaine des 5 jeudis: ces 3 dernières semaines, nous n'avons travaillé que 6 jours, et encore, avec de très nombreux absents. Les multiples barrages empêchent les profs de rejoindre leur établissement, mais il y a plus grave.
Annette Lafond est une (très professionnelle) journaliste de Mayotte (Malango Actualités). Elle a recueilli des témoignages d'enseignants ( profs du secondaire, mais c'est pareil pour le premier degré) et vous allez comprendre le titre de ce message. Précision: caillasser signifie souvent pris sous un jet de pierres, même si on n'est pas directement visé.
"25 professeurs ont choisi de rompre leur contrat immédiatement selon le syndicat du second degré SNES. Certains lycées et collèges manquent de professeurs, et si pour l’instant les absences sont imputables aux problèmes de circulation provoqués par les barrages, l’arrêt du conflit va mettre les établissements dans l’impossibilité d’assurer certains cours… Et ceci, sans compter les enseignants qui ne souhaitent pas renouveler leur contrat au bout d’un an ou de trois ans.
Les départs immédiats sont justifiés par des agressions, 18 professeurs ayant bénéficié de 7 à 15 jours d’Incapacité de travail (ITT), victimes de caillassage ou d’agressions directes.
La période des mutations arrive et habituellement c’est une cinquantaine de mails de renseignements qui arrive sur la boite du SNES. « Cette année, il n’y en a que 3 ou 4… Il va y avoir un gros problème de recrutement » explique Yann Durozad, secrétaire général du SNES.
Nous avons pu recueillir plusieurs témoignages de violences, et si certains n’ont été « que » rançonnés comme cela peut arriver sur un barrage, d’autres ont été gravement blessés : tel ce professeur de mathématiques agressé par des jets de pierre réitérés alors qu’il rentrait du collège de Kawéni le mercredi 26, sur le rond-point du Jumbo score par les émeutiers, 7 jours d’ITT ou ce professeur d'anglais au lycée de Mamoudzou caillassé à son retour au domicile le mercredi 26 octobre à 11h 30 au rond point de Jumbo score, et ce professeur au collège de Chiconi, caillassé toujours le même mercredi 26 à un barrage pourtant levé à Vahibé, ainsi que ce professeur de lettres au collège de Dembéni agressé mercredi 26 devant chez lui à Tsoundzou, ou encore ce professeur de mathématiques du lycée du Nord molesté à un barrage vendredi 21 en revenant chez lui vers 22h00 dans l’extrême nord avec des dégâts sur la voiture, ainsi que ce professeur d’éco gestion au lycée de Mamoudzou, caillassé violemment en rentrant chez lui ; il venait de Tsoundzou le soir peu avant minuit le vendredi 21. Il a porté plainte. Il y a aussi un enseignant contractuel au collège de Passamaïnty, agressé sur son deux roues à la sortie de Dembéni lundi 24 sur la route vers 17h00 en repartant du collège par 8 individus d’une vingtaine d’années et ce professeur d’Histoire-Géographie au collège de Kawéni 2, caillassé à Majicavo /Koungou en revenant chez lui après sa journée de cours mercredi 26, ainsi que 4 autres enseignants caillassés en sortant du collège de Kawéni mercredi, l’un d’entre eux, caillassé même en cours avec ses élèves et une vingtaine de collègues obligés de se réfugier au Lycée de Sada le 19 octobre jusqu’en milieu de soirée par des émeutiers…
Sans compter les angoisses « collatérales », les peurs de laisser leurs enfants à la maison, ou de les envoyer à l'école quand on ne peut pas les accompagner..."
Nous en sommes au 38ème jour de grève et malgré l'arrivée d'un second médiateur-négociateur, l'issue n'est pas en vue et les barrages ont réapparu, jusqu'à lundi prochain minimum. La lassitude gagne, la crainte des conséquences est évoquée par tout le monde mais Mayotte s'enfonce inexorablement et l'après sera très très dur.
Mais les politiques l'entendent-ils? Et les leaders syndicaux, que la politique intéresse décidément beaucoup aussi, sauront-ils terminer la grève?

1.11.11

Que la terre lui soit légère

En ces temps de célébration des morts en métropole, sachez qu'hier a aussi été célébré un mort à Mayotte.
Symbole pour les uns, déjà martyr pour les autres, il s'agit bien sûr d'Ali El-Anziz, le manifestant mort le 19 octobre et cette mort avait entraîné une flambée de violence les jours suivants et une polémique.
Pourquoi a-t-il été inhumé seulement hier?
Une autopsie avait été ordonnée, qui avait conclu à un massage cardiaque mal opéré alors qu'Ali était encore vivant, massage occasionnant la fracture d'au moins une côte qui avait perforé le cœur, ne lui laissant aucune chance.
Aussitôt, la famille a demandé une contre-autopsie, ainsi que le président du Conseil Général car un de ses employés a été mis en cause pour ce massage. Cette nouvelle autopsie a été pratiquée enfin dimanche et c'est pourquoi le corps n'a été remis à la famille qu'à la suite.
Allez savoir pourquoi, on ne connaît toujours pas le résultat de ce nouvel examen: dans la semaine ou dans les semaines à venir, selon les sources.
De quoi se poser des questions et planer une lourde menace sur le calme apparent revenu ces derniers jours.
Ali a donc été inhumé hier dans la dignité et selon la religion musulmane. Environ 3000 personnes y ont assisté, sous le soleil écrasant de ce début d'été.

Une sorte de haie d'honneur entre le domicile du défunt et la mosquée sur une centaine de mètres avec le cercueil qui est porté de main en main.
Puis le cercueil a été porté par tous les hommes au cimetière, pendant que les femmes chantaient à l'écart: une trève dans la grève.

Aujourd'hui, un Maoulida Shenge a été organisé place de la République à Mamoudzou.
Il s'agit encore d'une cérémonie religieuse, destinée à accueillir mercredi l'ancien préfet qui a été envoyé par Paris pour essayer de dénouer la grève, qui dure toujours. Denis Robin, c'est son nom, a été un préfet qui était bien perçu par la population, d'où des espoirs mais avec beaucoup de circonspection aussi.
Le Maoulida est une danse qui consacre la séparation des hommes et des femmes (ici il vaudrait mieux dire les femmes et les hommes, nuance d'importance): les hommes font l'orchestre et les femmes dansent et interdit de se mélanger.
Les Shenge sont des djinns, des esprits. Il y en a plusieurs sortes pour différents rôles. Pour ce qui nous concerne aujourd'hui, les Shenge, comme également les Patrosi et les Mugala, sont les esprits des anciens rois et dirigeants de Mayotte, et, nous y voilà, qui sont généralement consultés pour les affaires politiques de l'île. Ce sont les seuls à consommer, une fois dans le corps de leur hôte (pauvre ex-préfet!) des noix d'arec et du betel avec un peu de chaux.
En plus de danser, les femmes ont donc aussi chanté et tout le monde prié les esprits pour favoriser la réussite de cette entreprise. Et cette célébration durera jusqu'à l'aube.

Pendant ce temps, les peu nombreux catholiques de l'île ont célébré leur Toussaint dans l'église catholique de Mamoudzou, Notre-Dame de Fatima.
Au premier plan, le clocher.

31.10.11

Amertume

En une semaine, la presse métropolitaine et les médias ont relaté 50 fois plus l'incendie qui ravage le parc national de La Réunion qu'en un mois les événements de Mayotte.
Lire ici et regarder les "belles" photos .
Ce qui fait réfléchir sur le rôle et la qualité de la presse française aujourd'hui.
Non, décidément, Mayotte n'est pas encore un département pour tout le monde...
Un commentaire, à vérifier, annonce que l'avion bombardier d'eau, le Dash 8, aurait été retenu par les autorités françaises qui l'ont fait reconfigurer en mode 'passagers' pour les VIP du futur G 20 de Cannes.
C'est vraiment l'année des outremers!
Re-amertume...

29.10.11

La Réunion brûle

Depuis mardi dernier, un incendie d'origine criminelle a déjà dévasté 1800 hectares de cette perle de l'Océan Indien.
Pour une fois, ce n'est pas une photo du volcan, le Piton de la Fournaise.

Effet trompeur: le feu n'est pas encore éteint.

Parti du Maïdo, que nous visitions en février dernier, et poussé par des vents de nord, il se dirige vers le sud-est après avoir touché la forêt des Tamarins et atteint maintenant les contreforts du cirque de Cilaos. Ils sont de plus en plus nombreux, des pompiers professionnels et des volontaires (500 ce soir), à lutter pour empêcher que le feu atteigne les forêts de Tévelave et des Makes. 170 supplémentaires arrivent dimanche de métropole.
Un Dash 8 doit intervenir depuis le début, mais mystère, on l'attend toujours. Huit hélicoptères dont trois bombardiers d'eau sont engagés depuis le début.
L'année dernière, il y avait déjà eu un incendie criminel.
Pour tous ceux qui connaissent et qui aiment cette île, et évidemment ceux qui y vivent, c'est une catastrophe.
Des photos de La Réunion dans l'onglet "Escapade" et des infos pour la suite sur www.linfo.re

28.10.11

Tortues de Mayotte

Mayotte à la télé en métropole!
Un reportage sur les tortues de Mayotte sera diffusé dimanche 30 octobre dans le magazine 'Sept à huit' entre 19 et 20 heures sur TF1. De belles images avec aussi  une sensibilisation au braconnage dont elles sont malheureusement victimes.
À voir, vous pourrez même peut-être faire un don à l'association "Oulanga Na Nyamba" qui fait beaucoup de travail en ce sens ici. Tant qu'on y est, pourquoi pas!
Il y en a moins en ce moment dans les eaux mahoraises (aucun rapport avec les événements) mais elles reviendront bientôt après s'être rafraîchies dans des mers plus australes.

27.10.11

La situation est grave, et presque désespérée

"Dégâts irréversibles"  "Paralysie totale"  "Mise en danger de la population" : les titres de la presse sont alarmants.
Le préfet, lui, se dit "très vigilant à ce que le conflit ne tourne pas au conflit interethnique". Carrément!
Hier, la situation s'est vite dégradée. Je m'en suis aperçu quand je suis arrivé à mon école à 6h45 et en sentant tout de suite que le nuage de fumée au-dessus de Tsoundzou 1 était un nuage de gaz lacrymogènes. De plus près, c'était la guérilla urbaine, une fois de plus, et mon directeur et moi-même nous sommes retrouvés entre les policiers et les manifestants (jeunes), donc sous les gaz et les pierres! Nous sommes vite partis vers une ruelle.
Évidemment, l'école a été fermée une fois de plus comme beaucoup d'autres. Comme aujourd'hui (pas d'élèves). De toutes façons, la plupart de mes collègues n'ont pas pu se déplacer car les barrages se comptaient par dizaines.
En effet, les négociations s'éternisant, les meneurs de la grève ont concocté un plan B qui consiste à asphyxier Mamoudzou, le chef-lieu, en bloquant la circulation dans toute l'île. Depuis 2 jours, Mamoudzou est déserte. Même Petite-Terre est coupée de Grande-Terre car il n'y a plus de barges (sauf pour les urgences heureusement).
Ailleurs dans l'île, les ambulances restent bloquées entre deux troncs d'arbres (hélitreuillage des urgences), des établissements scolaires sont fermés, laissant une jeunesse déjà désœuvrée un peu plus dans la rue, et qui érigent donc des barrages, des dockers ne peuvent se rendre au seul port de commerce à cause des dits barrages et ne peuvent décharger le porte-container qui devait repartir aujourd'hui comme il est venu, ce qui va provoquer une pénurie de denrées alimentaires, une économie bloquée, paralysée depuis 4 semaines avec à la clef des pertes d’emplois, un magasin de bricolage saccagé par une quarantaine de voyous, des dizaines de voitures brûlées...
Mais plus grave des automobilistes qui se font agresser, un hôtel caillassé dans la journée par plusieurs commandos d'une quinzaine de jeunes car cet hôtel héberge des gendarmes mobiles et qui se fait évacuer en cours de journée en bateau sous une pluie de pierres, des habitations ont été pillées à Tsoundzou après que les portes ont été fracturées et les habitants terrorisés, des cambriolages à la pelle.
Et un lourd climat social qui revient et pour longtemps semble-t-il.
Des rumeurs invraisemblables circulent, apeurant un peu plus les habitants (intervention de l'armée, menace de venger le Mahorais décédé mercredi dernier œil pour œil).
La grève continue jusqu'à mardi au moins car le médiateur rendra ce jour le rapport qu'il est en train d'établir. Et les magasins sont à nouveau fermés. Heureusement qu'on a pu se ravitailler un peu car même s'ils rouvrent, il n'y a plus rien dans les rayons.
Ce soir, on annonce l'arrivée de métropole d'un ancien préfet de Mayotte mercredi prochain...

26.10.11

L'été arrive

Depuis quelques jours il fait de plus en plus chaud mais toujours sec à Mayotte.
Pour ceux qui en possèdent, les climatiseurs se réveillent, pour les autres, il vaut mieux attendre la nuit pour retrouver des températures supportables...et les moustiques.
Le vent a changé de secteur: d'est ou sud-est, celui des alizés, il est progressivement passé au nord, mais beaucoup moins actif et reste pour l'instant sec.
Actuellement, le soleil passe à la verticale de notre caillou (double-sens) à midi et il vaut mieux s'en protéger.
La température de l'eau remonte doucement, elle passera de 26°C à au moins 30°C progressivement; comme l'air d'ailleurs dans la journée, avec des pointes à 32-33°C (31 aujourd'hui). La nuit, on est passé de 20-21°C au niveau du lagon à 24-25°C.
Les mangues seront bientôt mûres, en ce moment ce sont les fruits du tamarin dont se régalent les enfants.
Leurs majestés les baobabs retrouvent peu à peu leurs feuilles:



25.10.11

Les nerfs à vif

La grève est entrée dans la 5ème semaine.
Les conséquences vont être, on commence à beaucoup en parler maintenant, terribles pour l'île.
Les nerfs à vif pour ceux qui sont déjà frappés par le chômage technique (3 € de l'heure répartis pour moitié entre l'entrepreneur et l'état) quand ce n'est pas la menace tous les jours plus pesante du chômage tout court. Mais ils restent solidaires du mouvement quand même. Tout le monde a besoin de travailler, c'est pourquoi il y eu des réouvertures de commerces depuis quelques jours qui ne semblent pas devoir être remises en cause, en tous cas pour le moment. C'est ainsi que j'ai pu enfin faire des courses le weekend dernier, comme beaucoup ici, au prix d'une heure d'attente sous le chaud soleil de ce début d'été, puis la cohue pour entrer dans le magasin à 2 ou 300, puis la foule entre les rayons pour se disputer les articles qui étaient disponibles, c'est-à-dire pas tous évidemment, et encore 45 minutes d'attente aux caisses. Du sport.
Les nerfs à vif pour les manifestants qui n'en peuvent plus d'attendre. La grève reprend de plus belle ce lundi, et la colère aussi en s'apercevant que le médiateur de la République nommé samedi, et qui est le chef de service de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et répression des fraudes (DGCCRF), Stanislas Martin, n'est pas venu pour négocier mais pour faire un rapport sur la situation. L'intersyndicale a tenu 5 minutes et a claqué la porte!

Stanislas Martin
Il remplace le préfet dont les syndicats ne veulent plus, étant victime de son double-rôle de médiateur et de réprimeur de manifestants.
Les nerfs à vif pour les policiers qui se sont vus aujourd'hui caillassés par des jeunes qui avaient encore établi des barrages dans le nord de l'île sous prétexte de ne pas avoir de ramassage scolaire. Violents affrontements et un ado a eu la mâchoire fracassée par une flashball. À leur retour vers Mamoudzou, nouveau barrage, nouveau caillassage, et grenades lacrymogènes: les jeunes jouent avec les gendarmes. Pas sûr qu'ils gagnent!
Les nerfs à vifs pour tous car il n'y a plus de gaz, plus de pétrole lampant pour le remplacer, de riz car tous ont évidemment fait des stocks dès l'ouverture des magasins, parce qu'il n'y aura pas de paie pour octobre, parce qu'ils ont le sentiment qu'on ne les écoute pas (il y a eu des avancées mais peuvent-ils les entendre?), parce qu'ils savent que maintenant la situation peut échapper à tous, avec l'exaspération.
Je dis 'les Mahorais' mais il faut bien dire que nous les mzungus privilégiés savons bien que si ce mouvement n'avait pas eu lieu, rien n'aurait changé, jamais on aurait entendu parler (enfin!) de Mayotte en métropole, et le 101ème département serait resté le plus pauvre de France encore longtemps.
Et on ne peut s'empêcher de penser que ce combat n'est pas le seul dans le monde contre un système qui laisse des populations s'enfoncer dans la pauvreté victimes d'un système qui les ignore. 
Mayotte souffrant en plus de circonstances locales, avec un état qu'ils espéraient providence et qui se révèle facilement avare en ces temps de vache maigre, ce qui produit un énorme sentiment de tromperie et de frustration.
Mais il faudra bien éteindre le feu...  

22.10.11

Pause lémurienne

Visites régulières des makis à domicile, et avec des bananes c'est encore plus facile.


Maman et son petit




20.10.11

Nuit chaude et marche blanche

La nuit a été particulièrement violente: caillassage de la voiture du préfet à la sortie de son intervention à la télé, incendies de magasins après pillages, barrages un peu partout sur l'île, affrontements, voitures incendiées, rackets sur les barrages, etc, etc....
Ce matin, 5000 personnes ont participé à une marche blanche (qui se fait plutôt en rouge ici) en mémoire du manifestant décédé hier.


L'autopsie réalisée aujourd'hui affirme qu'il est mort victime de massages cardiaques mal opérés, pas de flashball ni des gaz: incrédulité des Mahorais et colère qui reprend.
Les écoles sont fermées.
Les magasins aussi.
Ce soir, les barrages ont repris, malgré les appels au calme (ou même comme je viens de l'entendre à cesser le combat!) venant de tous les protagonistes.
La grève continue mais les syndicalistes ne veulent plus du préfet!

Tsoundzou 1 vs Passamaïnty (suite 2)

ou : "Le collège-Bambou"
Les affrontements sont terminés entre les collégiens des 2 villages et pour cause: ceux de Tsoundzou ne sont pas rentrés!
Voilà où les querelles entre villages peuvent mener. Ne se sentant pas en sécurité à Passamaïnty, cela fait 3 semaines (2 avant les vacances) qu'ils sont 500 environ à être purement et simplement dé-scolarisés.
Pour répondre au commentaire de Laura, il existe entre tous les villages voisins de l'île des "histoires" anciennes, dont personne ne sait lesquelles exactement ni qui a commencé, mais elles peuvent se révéler violentes, voire haineuses au moindre incident. En milieu urbain, elles se mélangent aux bandes organisées, entre quartiers. En brousse, il faut un point de rencontre entre 2 villages pour qu'elles éclatent. Dans les deux cas, il y a bien sûr des meneurs qui "organisent" tout ça.
Le fait que les 2 villages soient regroupés dans le collège d'un seul n'y est sans doute pas étranger, les "Passamaïnty" étant chez eux.
Dans "histoires de bambous", je disais que les parents de Tsoundzou avaient décidé de construire leur collège.
Ils ont joint le geste à la parole et voilà le chantier:


Lundi, une rentrée symbolique a eu lieu pour dénombrer les collégiens potentiels mais surtout pour accentuer la pression sur les élus de Mamoudzou pour envisager rapidement une vraie solution, car il est évident que celle-ci n'est pas réalisable.
Hier, en réponse, il était d'ailleurs prévu que les collégiens soient transportés accompagnés par les gendarmes pour enfin effectuer leur rentrée. Mais les événements en ont décidé autrement.
Des collégiens de Tsoundzou m'ont confié qu'ils ne prendraient jamais le bus.

19.10.11

Ali El Anziz

Un homme de 39 ans ne s'est pas relevé ce matin. Il manifestait, comme tous les jours depuis 23 jours, une manifestation qui a une fois de plus tourné en affrontement: jets de pierre, riposte des gendarmes avec flashballs et lacrymos. Ça en deviendrait banal si ça n'était pas tragique.
De quoi est-il mort? Crise cardiaque dit le préfet, flashball en pleine poitrine, aggravé par les gaz disent les témoins. Peu importe.
Un autre manifestant atteint lui aussi a eu plus de chance.
Peu après, c'est l'enchaînement: colère, réapparition des barrages, fermeture forcée de certains magasins, pillages, échauffourées jusque tard dans la soirée: c'est l'état d'alerte maximum. Rentrez chez vous, il n'y a rien à voir! Pourtant, des scènes d'extrême violence se sont multipliées à Mamoudzou et sa zone industrielle de Kawéni.
Dès midi, les choses empiraient au point que l'Inspection a décidé que les écoles qui travaillent l'après-midi n'accueilleraient pas les élèves de peur d'embrasement général si le blessé décédait.
Ma journée étant libérée, j'ai décidé d'aller enfin faire quelques courses. Je suis arrivé au magasin de Passamaïnty:
4 camions de gendarmes, une centaine de clients en attente (il y en a autant de l'autre côté du barrage) alors je prends place dans une des 2 files d'attente.
Beaucoup d'agitation, la police filtre les passages, à l'ombre des parasols.
Au bout d'un quart d'heure, je n'ai pas bougé, sous un soleil de plomb.
Brusquement, des jeunes arrivent du stade tout proche en courant et en criant provoquant la fuite de tous ceux qui attendent. Première frayeur.
Les files se reforment alors que les gendarmes, jusque là en tshirt, ont vite enfilé leur protections Robocop et se sont armés de boucliers et armes. Un moment plus tard, deuxième mouvement de foule qui nous disperse à nouveau en courant. Deuxième frayeur.
Puis les files se reforment prudemment. Ne comprenant pas le shimaoré, je n'ai pas compris ce qui l'a déclenché.
Au bout d'une demi-heure supplémentaire sans avancer, je suis reparti le sac vide.
J'ai l'impression que c'est la guerre: tension, rationnement, pénurie de gaz, d'essence, armée omniprésente, peur de se retrouver dans un rassemblement, explosions, barrages sauvages, hélicoptères tournoyant au-dessus des têtes, sirènes de police, d'ambulance...
Ce soir, tout le monde parle du mort, de sa famille: le préfet, la ministre aujourd'hui à l'Assemblée Nationale, le président du Conseil Général, le député...
Et après le deuil, qu'est-ce qu'on fait ?