28.11.11

En croisière à Mayotte

Le premier bateau de croisière de l'été a fait escale à Mayotte aujourd'hui.
Venant des Seychelles et repartis ce soir pour Nosy Bé (Madagascar), ses 165 croisiéristes ont été soigneusement accueillis pour redorer une image de l'île quelque peu ternie ces derniers temps. Ils ont trouvé l'île authentique et les femmes "bien habillées"!
Il devrait être suivi par un autre le 31 décembre et encore 3 ou 4 jusqu'en mars.
L'année dernière, la saison des croisières avait tourné court après une attaque de pirates dans le canal du Mozambique.
C'est une aubaine pour les commerçants alors qu'on annonce une reprise de la grève pour le 19 décembre...

27.11.11

Bonne année 1433

Je ne suis pas sûr que les quelque 180 000 musulmans de Mayotte sachent qu'ils viennent de passer, hier exactement, en l'an 1433 de l'Hégire, l'exode du Prophète (point de départ en 622 et années lunaires).
Cette nouvelle année est peu fêtée mis à part dans les madrassas, elle est moins importante que dans d'autres civilisations, en tous cas ici.
Ce matin, il a plu copieusement, pour la première fois depuis 6 mois, et certains y voient un présage pour une heureuse et fertile année Inch Allah, d'autres y voient peut-être le début de la saison des pluies, et les plus raisonnables ont vu Éva Joly débarquer de La Réunion pour sa campagne électorale à Mayotte.

Abou Chihabi

Vu hier soir en concert, voici un artiste d'origine Comorienne qui a marqué l'histoire de son pays.
En effet, il en a écrit l'hymne national en gagnant un concours organisé par le pouvoir "révolutionnaire" du moment, qui choisit sa composition en 1976. Il en a été chassé en 1978 par un coup d'État. Il a traîné sa tristesse et sa colère sur les routes du Kenya et de Tanzanie. Il s'est fait un nom dans cet exil. Il a été récompensé par RFI, participé à trop de festivals pour s'en souvenir. Il était à la première Fête de la Musique en 1983, entre Jack Lang et Danièle Mitterrand.
Les aspects de la société comorienne sont présents dans ses chansons. Sans être un combattant, ou un militant, il témoigne à sa façon des grandes pages de l'histoire de "son" continent et de ses difficultés sociales: le départ des mercenaires, la fin de la discrimination raciale en Afrique du Sud... et dénonce tant et plus l'injustice, le déni des droits, l'hypocrisie, l'oppression. Mais Abou sait aussi décrire la pureté de l'innocence (Innocence, pureté, foi = Imani na amani), l'honnêteté des sentiments et la paix. Et appelle les hommes à se réunir, à une plus grande tolérance. 
Sa musique est délicate, légère, harmonieuse, à la guitare, l'harmonica ou le saxo. Il était hier soir avec Anne-Julie Brutoux, dont la voix juste se marie parfaitement à la sienne.


Pour l'hymne national des Comores, c'est ici, avec des paroles et a capella.
Au passage, rappelons que les Comores revendiquent toujours le retour de Mayotte au sein de la nation en chassant "les colons blancs"!

24.11.11

50 millions

Le gouvernement a décidé de débloquer 50 millions d'euros pour éteindre le feu et réparer les dégâts engendrés par 43 jours de grève.
Pour certains, c'est bien, pour beaucoup d'autres c'est inapproprié et/ou insuffisant.
Inapproprié parce que ce sera que pour des commandes publiques (routes, écoles, logements, assainissement et adduction d'eau, équipements publics) qui sont nécessaires et qui généreront quelques emplois provisoires, mais ce n'est pas le plus urgent.
Insuffisant car tout le secteur productif est oublié et c'est pourtant celui-là qu'il faut développer rapidement pour faire baisser les prix.
À propos de prix, les bons de 5 € de l'État attribués mensuellement pour les produits de première nécessité et pour 4 mois aux 14000 familles Mahoraises les plus démunies (jusqu'à 600 € de revenus par mois) sont arrivés aujourd'hui. Là encore, des oubliés...

Pour l'instant, la grève est suspendue, les responsables syndicaux expliquent à la population pourquoi ils n'ont pas signé.
Une centaine de profs aurait demandé de partir en janvier en rompant leur contrat, ou en juillet en ne le renouvelant pas. C'est aussi le cas de certains personnels de l'hôpital de Mamoudzou. L'insécurité a fait des dégâts!
À part ça tout va bien, on vient d'entrer dans la saison cyclonique, en tout cas pour le plan de prévention des risques.

22.11.11

L'aéroport: piste longue ou pas ?

Quand vous arrivez à Mayotte, c'est le plus souvent en avion.
Vous atterrissez (ou atterrirez) sur la piste de l'aéroport international de Dzaoudzi-Pamandzi, d'où le code DZA, sur Petite-Terre. Et vous verrez ceci:
Ça, c'est quand tout va bien: beau temps, pas de vent. Mais les pilotes qualifient la manœuvre d'approche et le "landing" de délicats, voire à risque.
En effet, une colline se trouve au bout de la piste, des constructions et surtout des habitations jouxtent l'aéroport et, en saison humide (elle arrive), les conditions deviennent vite périlleuses.
Récemment, un vol de CorsairFly au pilote sans doute pas assez expérimenté, a tenté plusieurs fois son atterrissage par temps de forte pluie, avant de se dérouter vers Madagascar où l'équipage est habituellement remplacé. Il s'est dit que certaines balises étaient en panne, ce qui devait être vrai, car aucun accident ne s'est produit à l'atterrissage sur cette piste. Les passagers ont dû au minimum se poser des questions...
Quoiqu'il en soit, il faut dire que l'arrivée est toujours musclée avec un gros "freinage" qui vaut des applaudissements pour le pilote à chaque manœuvre réussie!
Le problème de la piste est sa longueur: 1930 mètres, ce qui interdit des arrivées et des départs à pleine charge et également les gros porteurs.
















Alors depuis longtemps, on parle ici de rallonger la piste, dont une partie a déjà été gagnée sur la mer, pour autoriser de plus gros avions et assurer des vols directs vers la métropole. L'avantage est de raccourcir le vol de trois heures et logiquement de baisser le prix du billet, mais ce dernier point ne sera finalement pas automatique (le kérosène est ici 40% plus cher qu'à La Réunion par exemple!)
Donc, depuis mars est lancée une consultation de la population avec déjà une trentaine de débats publics organisés.
Voilà l'enjeu:
Une piste longue pour assurer le plein développement économique et touristique de l'île.
Mais l'agrandissement se fera par la construction d'un remblai de 4 millions de mètres cubes qui aura un impact néfaste sur le lagon, ses courants, sa faune (tortues, dugongs entre autres) qui provoque une forte opposition d'associations pour la nature et plus récemment d'une association mondiale de surfeurs.
Pour eux ce choix ne doit pas être systématique, d'autant plus qu'entretemps, la compagnie Corsairfly assure des vols directs depuis la métropole (mais pas dans l'autre sens car pas de décollage possible à pleine charge de carburant donc passage par Antananarivo obligé), et surtout que la compagnie Air Austral (réunionnaise) qui avait jusque là une sorte de monopole sur la région a pris les devants.
Vol inaugural le 29 août en provenance de Seattle (USA) sans escale
Air Austral a acquis deux Boeing B777-200LR capables de décoller à pleine charge et compatibles avec la longueur de piste actuelle pour effectuer trois vols hebdomadaires entre Paris et Mayotte. Cette ligne, qui devait entrer en activité en octobre dernier, a été reportée au printemps 2012, pour cause de retards dans les travaux, ce qui au passage m'a valu 5 changements d'horaires pour mon séjour en métropole pour les grandes vacances australes en décembre.
L'argument de la ligne directe devient donc caduc en partie, mais d'autres compagnies demandent elles aussi ces aménagements car possédant d'autres appareils, et mettant en avant la concurrence. Pour l'instant, des vols d'Air Madagascar, de Kenya Airways et de Comores Aviation complètent l'offre.
Sans doute ce projet verra-t-il le jour, dans 2 ou 3 ans, mais il faut espérer que les dégâts seront minimes et toutes les précautions prises, en ayant à l'esprit que les progrès techniques des appareils n'imposent plus la réalisation de ce projet. À suivre...

20.11.11

Les Abeilles ont le bourdon

Les Abeilles mahoraises auraient dû imiter leurs homologues métropolitaines: ne pas sortir quand les températures sont en-dessous de 10° C.
Comme le soleil ne s'est pas montré, elles paraissaient un peu désorientées sur le terrain, d'autant que les Vosgiens ne leur ont pas fait de fleur: elles sont allées 6 fois chercher le ballon dans leur ruche filet qui n'était même pas en nid d'abeille!
Pourtant, de nombreux supporteurs étaient venus de la région et même de plus loin (Marseille) et ils faisaient plus de bruit que le rare public Raonnais. Mais ils n'ont pas pu applaudir un but des ultramarins.
6-0 score final.
Dans 2 ans, Mayotte pourra accueillir ce genre de rencontre car ils auront enfin un stade homologué. Cette semaine, le n° 2 de la FFF, en visite à Mamoudzou, a promis un terrain synthétique aux normes nationales.
Les six autres équipes ultramarines engagées dans ce 7ème tour ont souffert.
En métropole:
-  Vitréenne F.C. 4 – 0  US Matoury (Guyane)
-  Compiègne AFC  9 – 0  FC Gaitcha (Nouvelle-Calédonie)
-  Ivry US Football 4 – 2 CS Belimois Le Lamentin (Martinique)
En outre-mer:
-  AS Tefana (Polynésie Française)  1 – 2  Red Star F.C. 93 
-  Evolucas Lamentin  (Guadeloupe)  0 – 5  Avranches US
-  US Le Tampon  (La Réunion)  3 – 3  (2 tab 4) Amnéville CS Orne
                                                   

16.11.11

Les Abeilles de M'Tsamboro

Il ne s'agit pas d'une variété endogène d'abeilles capables de féconder les fleurs de la liane de vanille. Là comme ailleurs (sauf au Mexique où les dites abeilles existent), l'obtention de la fameuse gousse se fait en fécondant la fleur manuellement.

Non, l'ASC Abeilles est le club de football du village du nord-ouest de Mayotte.

Et pas n'importe lequel: c'est LE meilleur club cette année qui a remporté le championnat honneur (la plus haute division ici) qui se déroule de mars à novembre, et surtout la coupe de Mayotte.
Par conséquent, c'est le club de Mayotte, le représentant mahorais qui jouera le 7ème tour de la Coupe de France, la coupe aux grandes oreilles, la seule, la vraie, la nationale!
Ce sera samedi 19 à 14h30 en métropole, en Lorraine, contre le club de CFA de Raon l'Étape, qui s'est déjà illustré dans cette compétition.
Alors ce sera sans doute difficile, d'autant qu'il y a 2 divisions d'écart au moins, et sans doute 20 degrés de moins, mais c'est la coupe, alors l'envie gomme parfois les différences et crée les surprises.
En espérant que le froid n'engourdisse pas les Abeilles... mais ils auront tous les Mahorais des Vosges et même de la région pour les encourager. ABEILLI!!  ABEILLI!!

13.11.11

Le parc naturel marin de Mayotte

Pour changer, voici de sublimes images de Mayotte. Tout le monde en a bien besoin, surtout ici.
Elles montrent qu'il est grand temps de développer le tourisme pour que ce joyau bénéficie enfin d'une vraie reconnaissance.
Mayotte possède en effet le premier parc naturel d'Outre-mer, et même si sa création semble surtout avoir été opérée à l'image du président qui l'a entérinée, c'est-à-dire trop rapide, c'est maintenant un atout très fort pour l'île. Pourtant, il est heureux que les touristes soient encore peu nombreux car ils ne pourraient pas être accueillis en grand nombre: en accélérant la création, on a oublié d'inventer tout ce qui va avec pour les recevoir.
Et Mayotte étant encore un territoire lors de la naissance du projet, les contraintes étaient moins nombreuses, les consultations et études en tous genres sur les impacts ont été rapidement menées. Bref, on a mis la charrette avant le zébu!
Ceci étant dit, il faut que les Mahorais se saisissent de cette chance, s'ouvrent plus sur la mer et sa richesse et veuillent vraiment choisir la direction du développement du tourisme. Ce n'est pas encore le cas.
Gérer cette zone, en orange ci-dessous, de près de 70 000 km² sera difficile.

En attendant, régalez-vous de ces images, 13 minutes de bonheur signées Franck Grangette, que je n'ai pas pu visionner en entier car après 3 heures de téléchargement en Très Bas Débit, je n'ai pu en voir que 3 minutes et j'ai abandonné... Elles sont prometteuses, presque trop belles.

12.11.11

Méchants requins

Ça va mal à La Réunion!
Depuis le début de l'année, il y a eu 6 attaques de requins. La dernière a eu lieu hier, à l'est de l'île pour la première fois. Un apnéiste s'est fait "croquer" sa palme en remontant à la surface et il a perdu plusieurs orteils.
Les bodyboarders ont perdu 2 des leurs (voir Méchant requin et Des nouvelles des requins), 2 autres ont été blessés, et un autre en pirogue s'en est sorti également blessé.

Des mesures ont pourtant été prises, plusieurs squales ont été capturés pour leur placer deux balises afin de mieux les suivre, des filets ont été posés pour protéger les baigneurs et encore d'autres décisions, mais on ne comprend pas exactement pourquoi ils sont plus nombreux à être agressifs que les autres années, en tout cas pas encore.
Pendant ce temps, l'incendie du Maïdo est presque éteint (eh oui, ça brûle encore, sous contrôle, dans la tourbe).

10.11.11

Journée de dupes

C'est quand on croit que c'est fini que ça recommence!
La signature prévue aujourd'hui n'a pas eu lieu faute de syndicalistes qui annonçaient pourtant avant-hier qu'un accord satisfaisant avait été trouvé grâce à eux, avant de se faire porter en triomphe par la foule.
Foule qui l'instant d'après n'appréciait que mollement les décisions "arrachées" aux vilains distributeurs. Mais qu'à cela ne tienne, on suspendait la grève en attendant la signature ce matin.
Seulement, ils avouaient après qu'ils avaient demandé des garanties et s'empêtraient hier soir à la télé dans des oui mais, des à condition, des il-fallait-bien-que-l'économie-reprenne-car-nous-sommes-des-syndicalistes-responsables etc, etc,... avec un art de se gargariser des bons mots de la langue française qui donne l'illusion d'une culture et une intelligence supérieure comme on en entend souvent chez d'autres dirigeants africains. Bref, en s'écoutant parler.
Un pas en avant, un pas en arrière...
Mais les voix commencent à être nombreuses qui en ont assez de cette grève qui s'éternise, même s'il est vrai que les barrages ont disparu (pour l'instant; on est à Mayotte, ne l'oublions pas) et que les activités ont repris.
La Poste annonce même aujourd'hui que la distribution des colis et du courrier de et vers Mayotte, qui avait été interrompue depuis le 12 octobre, va enfin reprendre.
Denis Robin, lui, a repris l'avion à 14 heures pour Paris, sa négociation étant pour lui terminée.
Hier soir, un de mes collègues (mzungu bien sûr) a été attaqué chez lui à coups de pierres puis cambriolé: scène de la vie qui devient malheureusement ordinaire, sans que les mêmes "responsables" ne s'en émeuvent sérieusement: pourquoi? seraient-ils d'accord au fond d'eux-mêmes?
Non? Alors qu'ils le crient haut et fort avant que la vengeance annoncée ne se produise!

9.11.11

Sortie de crise annoncée

Prudence, c'est l'attitude de la plupart des Mahorais, car il faut bien rappeler que nous avons tous été souvent échaudés pendant ces 43 jours de grève contre la vie chère.
Pas d'explosion de joie, des satisfactions mais aussi des déceptions et des amertumes, on sent que tous voudraient tant être soulagés s'il n'y avait pas cette retenue qui a empêché la sérénité aujourd'hui.
Lundi matin, tout avait mal commencé car les négociations ont duré 20 minutes, à cause de la présence du signataire du 17 octobre (affilié à FO) qui avait fait éclater l'intersyndicale.
Hier, grosse manifestation à Mamoudzou pour faire sentir aux autorités et distributeurs que la mobilisation n'avait pas faibli. Et peut-être pour que les manifestants se rassurent aussi.
Hier soir, Denis Robin a choisi de présenter un protocole de sortie de crise après avoir obtenu la baisse des produits qui continuaient de bloquer les négociations: le prix de la viande de bœuf (le poulet a déjà baissé), le prix du sable et celui du gaz, et pour 3 mois de plus (jusqu'en mars, date de l'entrée en vigueur du RSA).
Bien joué, sire Robin, Marianne peut souffler...
À la sortie vers 23 heures, les syndicalistes ont exprimé leur satisfaction et ont présenté les résultats à la base qui a accueilli plutôt résignée ces conclusions. La suspension de la grève a été décidée, jusqu'à la signature définitive espérée pour demain.
Aujourd'hui, des sourires reviennent, mais un peu crispés car le Mahorais est prudent, et aussi parce que le travail à rattraper est immense. Sans parler des dégâts qu'ont provoqués les déclarations anti-mzungus, les agressions (qui continuent, un instit tabassé et poignardé à la main pour un mobile ce soir, à l'IFM) qui elles mettront longtemps à cicatriser à condition qu'elles cessent. Il faudra du temps et une police intelligente pour endiguer une insécurité qui explose en ce moment.
Et, bientôt, on pourra enfin reparler de Mayotte de façon positive! Mais attendons déjà demain...

6.11.11

Robin au secours des pauvres ?

Aujourd'hui, c'est la grande fête musulmane de l'Aïd El Kebir. Certains Mahorais sont à La Mecque après avoir déboursé plus de 3000 € pour le voyage uniquement!
Pendant ce temps, la grève se fait discrète, l'ex-préfet Denis Robin discute avec les Mahorais et les syndicalistes analysent le rapport sur les prix à Mayotte que leur a remis Stanislas Martin, avant de tous reprendre les négociations demain.
Avec un petit pavé lancé hier par Victorin Lurel, député PS de la Guadeloupe, chargé des outre-mer:
"La dépense budgétaire annuelle totale de l'État par Mahorais s'élève [...] à 3.613 euros. Or, dans les quatre autres départements d'outre-mer, cette dépense est en moyenne de 5.613 euros par habitant", relève le député de la Guadeloupe, détaillant: "5.403 euros en Guadeloupe, 6.425 en Guyane, 5.570 en Martinique et 5.056 à La Réunion.
Ce choix budgétaire est d'autant plus critiquable que c'est bien à Mayotte que le PIB par habitant est le plus faible de tous les outre-mer ..." (AFP)

Ce qui fait dire ici que les Mahorais sont en "sous-France"!

3.11.11

Les (autres) risques du métier

Nous, les enseignants, n'avons pas été appelés à la grève par nos organisations syndicales et je persiste à penser que les enfants sont, en ces moments troublés, bien mieux à l'école que sur les barrages.
Ce préalable étant posé, les événements ont des conséquences inévitables sur notre profession.
Depuis la rentrée des vacances d'octobre, dans mon école comme dans d'autres, nous pratiquons la semaine des 5 jeudis: ces 3 dernières semaines, nous n'avons travaillé que 6 jours, et encore, avec de très nombreux absents. Les multiples barrages empêchent les profs de rejoindre leur établissement, mais il y a plus grave.
Annette Lafond est une (très professionnelle) journaliste de Mayotte (Malango Actualités). Elle a recueilli des témoignages d'enseignants ( profs du secondaire, mais c'est pareil pour le premier degré) et vous allez comprendre le titre de ce message. Précision: caillasser signifie souvent pris sous un jet de pierres, même si on n'est pas directement visé.
"25 professeurs ont choisi de rompre leur contrat immédiatement selon le syndicat du second degré SNES. Certains lycées et collèges manquent de professeurs, et si pour l’instant les absences sont imputables aux problèmes de circulation provoqués par les barrages, l’arrêt du conflit va mettre les établissements dans l’impossibilité d’assurer certains cours… Et ceci, sans compter les enseignants qui ne souhaitent pas renouveler leur contrat au bout d’un an ou de trois ans.
Les départs immédiats sont justifiés par des agressions, 18 professeurs ayant bénéficié de 7 à 15 jours d’Incapacité de travail (ITT), victimes de caillassage ou d’agressions directes.
La période des mutations arrive et habituellement c’est une cinquantaine de mails de renseignements qui arrive sur la boite du SNES. « Cette année, il n’y en a que 3 ou 4… Il va y avoir un gros problème de recrutement » explique Yann Durozad, secrétaire général du SNES.
Nous avons pu recueillir plusieurs témoignages de violences, et si certains n’ont été « que » rançonnés comme cela peut arriver sur un barrage, d’autres ont été gravement blessés : tel ce professeur de mathématiques agressé par des jets de pierre réitérés alors qu’il rentrait du collège de Kawéni le mercredi 26, sur le rond-point du Jumbo score par les émeutiers, 7 jours d’ITT ou ce professeur d'anglais au lycée de Mamoudzou caillassé à son retour au domicile le mercredi 26 octobre à 11h 30 au rond point de Jumbo score, et ce professeur au collège de Chiconi, caillassé toujours le même mercredi 26 à un barrage pourtant levé à Vahibé, ainsi que ce professeur de lettres au collège de Dembéni agressé mercredi 26 devant chez lui à Tsoundzou, ou encore ce professeur de mathématiques du lycée du Nord molesté à un barrage vendredi 21 en revenant chez lui vers 22h00 dans l’extrême nord avec des dégâts sur la voiture, ainsi que ce professeur d’éco gestion au lycée de Mamoudzou, caillassé violemment en rentrant chez lui ; il venait de Tsoundzou le soir peu avant minuit le vendredi 21. Il a porté plainte. Il y a aussi un enseignant contractuel au collège de Passamaïnty, agressé sur son deux roues à la sortie de Dembéni lundi 24 sur la route vers 17h00 en repartant du collège par 8 individus d’une vingtaine d’années et ce professeur d’Histoire-Géographie au collège de Kawéni 2, caillassé à Majicavo /Koungou en revenant chez lui après sa journée de cours mercredi 26, ainsi que 4 autres enseignants caillassés en sortant du collège de Kawéni mercredi, l’un d’entre eux, caillassé même en cours avec ses élèves et une vingtaine de collègues obligés de se réfugier au Lycée de Sada le 19 octobre jusqu’en milieu de soirée par des émeutiers…
Sans compter les angoisses « collatérales », les peurs de laisser leurs enfants à la maison, ou de les envoyer à l'école quand on ne peut pas les accompagner..."
Nous en sommes au 38ème jour de grève et malgré l'arrivée d'un second médiateur-négociateur, l'issue n'est pas en vue et les barrages ont réapparu, jusqu'à lundi prochain minimum. La lassitude gagne, la crainte des conséquences est évoquée par tout le monde mais Mayotte s'enfonce inexorablement et l'après sera très très dur.
Mais les politiques l'entendent-ils? Et les leaders syndicaux, que la politique intéresse décidément beaucoup aussi, sauront-ils terminer la grève?

1.11.11

Que la terre lui soit légère

En ces temps de célébration des morts en métropole, sachez qu'hier a aussi été célébré un mort à Mayotte.
Symbole pour les uns, déjà martyr pour les autres, il s'agit bien sûr d'Ali El-Anziz, le manifestant mort le 19 octobre et cette mort avait entraîné une flambée de violence les jours suivants et une polémique.
Pourquoi a-t-il été inhumé seulement hier?
Une autopsie avait été ordonnée, qui avait conclu à un massage cardiaque mal opéré alors qu'Ali était encore vivant, massage occasionnant la fracture d'au moins une côte qui avait perforé le cœur, ne lui laissant aucune chance.
Aussitôt, la famille a demandé une contre-autopsie, ainsi que le président du Conseil Général car un de ses employés a été mis en cause pour ce massage. Cette nouvelle autopsie a été pratiquée enfin dimanche et c'est pourquoi le corps n'a été remis à la famille qu'à la suite.
Allez savoir pourquoi, on ne connaît toujours pas le résultat de ce nouvel examen: dans la semaine ou dans les semaines à venir, selon les sources.
De quoi se poser des questions et planer une lourde menace sur le calme apparent revenu ces derniers jours.
Ali a donc été inhumé hier dans la dignité et selon la religion musulmane. Environ 3000 personnes y ont assisté, sous le soleil écrasant de ce début d'été.

Une sorte de haie d'honneur entre le domicile du défunt et la mosquée sur une centaine de mètres avec le cercueil qui est porté de main en main.
Puis le cercueil a été porté par tous les hommes au cimetière, pendant que les femmes chantaient à l'écart: une trève dans la grève.

Aujourd'hui, un Maoulida Shenge a été organisé place de la République à Mamoudzou.
Il s'agit encore d'une cérémonie religieuse, destinée à accueillir mercredi l'ancien préfet qui a été envoyé par Paris pour essayer de dénouer la grève, qui dure toujours. Denis Robin, c'est son nom, a été un préfet qui était bien perçu par la population, d'où des espoirs mais avec beaucoup de circonspection aussi.
Le Maoulida est une danse qui consacre la séparation des hommes et des femmes (ici il vaudrait mieux dire les femmes et les hommes, nuance d'importance): les hommes font l'orchestre et les femmes dansent et interdit de se mélanger.
Les Shenge sont des djinns, des esprits. Il y en a plusieurs sortes pour différents rôles. Pour ce qui nous concerne aujourd'hui, les Shenge, comme également les Patrosi et les Mugala, sont les esprits des anciens rois et dirigeants de Mayotte, et, nous y voilà, qui sont généralement consultés pour les affaires politiques de l'île. Ce sont les seuls à consommer, une fois dans le corps de leur hôte (pauvre ex-préfet!) des noix d'arec et du betel avec un peu de chaux.
En plus de danser, les femmes ont donc aussi chanté et tout le monde prié les esprits pour favoriser la réussite de cette entreprise. Et cette célébration durera jusqu'à l'aube.

Pendant ce temps, les peu nombreux catholiques de l'île ont célébré leur Toussaint dans l'église catholique de Mamoudzou, Notre-Dame de Fatima.
Au premier plan, le clocher.