1.11.11

Que la terre lui soit légère

En ces temps de célébration des morts en métropole, sachez qu'hier a aussi été célébré un mort à Mayotte.
Symbole pour les uns, déjà martyr pour les autres, il s'agit bien sûr d'Ali El-Anziz, le manifestant mort le 19 octobre et cette mort avait entraîné une flambée de violence les jours suivants et une polémique.
Pourquoi a-t-il été inhumé seulement hier?
Une autopsie avait été ordonnée, qui avait conclu à un massage cardiaque mal opéré alors qu'Ali était encore vivant, massage occasionnant la fracture d'au moins une côte qui avait perforé le cœur, ne lui laissant aucune chance.
Aussitôt, la famille a demandé une contre-autopsie, ainsi que le président du Conseil Général car un de ses employés a été mis en cause pour ce massage. Cette nouvelle autopsie a été pratiquée enfin dimanche et c'est pourquoi le corps n'a été remis à la famille qu'à la suite.
Allez savoir pourquoi, on ne connaît toujours pas le résultat de ce nouvel examen: dans la semaine ou dans les semaines à venir, selon les sources.
De quoi se poser des questions et planer une lourde menace sur le calme apparent revenu ces derniers jours.
Ali a donc été inhumé hier dans la dignité et selon la religion musulmane. Environ 3000 personnes y ont assisté, sous le soleil écrasant de ce début d'été.

Une sorte de haie d'honneur entre le domicile du défunt et la mosquée sur une centaine de mètres avec le cercueil qui est porté de main en main.
Puis le cercueil a été porté par tous les hommes au cimetière, pendant que les femmes chantaient à l'écart: une trève dans la grève.

Aujourd'hui, un Maoulida Shenge a été organisé place de la République à Mamoudzou.
Il s'agit encore d'une cérémonie religieuse, destinée à accueillir mercredi l'ancien préfet qui a été envoyé par Paris pour essayer de dénouer la grève, qui dure toujours. Denis Robin, c'est son nom, a été un préfet qui était bien perçu par la population, d'où des espoirs mais avec beaucoup de circonspection aussi.
Le Maoulida est une danse qui consacre la séparation des hommes et des femmes (ici il vaudrait mieux dire les femmes et les hommes, nuance d'importance): les hommes font l'orchestre et les femmes dansent et interdit de se mélanger.
Les Shenge sont des djinns, des esprits. Il y en a plusieurs sortes pour différents rôles. Pour ce qui nous concerne aujourd'hui, les Shenge, comme également les Patrosi et les Mugala, sont les esprits des anciens rois et dirigeants de Mayotte, et, nous y voilà, qui sont généralement consultés pour les affaires politiques de l'île. Ce sont les seuls à consommer, une fois dans le corps de leur hôte (pauvre ex-préfet!) des noix d'arec et du betel avec un peu de chaux.
En plus de danser, les femmes ont donc aussi chanté et tout le monde prié les esprits pour favoriser la réussite de cette entreprise. Et cette célébration durera jusqu'à l'aube.

Pendant ce temps, les peu nombreux catholiques de l'île ont célébré leur Toussaint dans l'église catholique de Mamoudzou, Notre-Dame de Fatima.
Au premier plan, le clocher.

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