Les conséquences vont être, on commence à beaucoup en parler maintenant, terribles pour l'île.
Les nerfs à vif pour ceux qui sont déjà frappés par le chômage technique (3 € de l'heure répartis pour moitié entre l'entrepreneur et l'état) quand ce n'est pas la menace tous les jours plus pesante du chômage tout court. Mais ils restent solidaires du mouvement quand même. Tout le monde a besoin de travailler, c'est pourquoi il y eu des réouvertures de commerces depuis quelques jours qui ne semblent pas devoir être remises en cause, en tous cas pour le moment. C'est ainsi que j'ai pu enfin faire des courses le weekend dernier, comme beaucoup ici, au prix d'une heure d'attente sous le chaud soleil de ce début d'été, puis la cohue pour entrer dans le magasin à 2 ou 300, puis la foule entre les rayons pour se disputer les articles qui étaient disponibles, c'est-à-dire pas tous évidemment, et encore 45 minutes d'attente aux caisses. Du sport.
Les nerfs à vif pour les manifestants qui n'en peuvent plus d'attendre. La grève reprend de plus belle ce lundi, et la colère aussi en s'apercevant que le médiateur de la République nommé samedi, et qui est le chef de service de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et répression des fraudes (DGCCRF), Stanislas Martin, n'est pas venu pour négocier mais pour faire un rapport sur la situation. L'intersyndicale a tenu 5 minutes et a claqué la porte!
Stanislas Martin |
Les nerfs à vif pour les policiers qui se sont vus aujourd'hui caillassés par des jeunes qui avaient encore établi des barrages dans le nord de l'île sous prétexte de ne pas avoir de ramassage scolaire. Violents affrontements et un ado a eu la mâchoire fracassée par une flashball. À leur retour vers Mamoudzou, nouveau barrage, nouveau caillassage, et grenades lacrymogènes: les jeunes jouent avec les gendarmes. Pas sûr qu'ils gagnent!
Les nerfs à vifs pour tous car il n'y a plus de gaz, plus de pétrole lampant pour le remplacer, de riz car tous ont évidemment fait des stocks dès l'ouverture des magasins, parce qu'il n'y aura pas de paie pour octobre, parce qu'ils ont le sentiment qu'on ne les écoute pas (il y a eu des avancées mais peuvent-ils les entendre?), parce qu'ils savent que maintenant la situation peut échapper à tous, avec l'exaspération.
Je dis 'les Mahorais' mais il faut bien dire que nous les mzungus privilégiés savons bien que si ce mouvement n'avait pas eu lieu, rien n'aurait changé, jamais on aurait entendu parler (enfin!) de Mayotte en métropole, et le 101ème département serait resté le plus pauvre de France encore longtemps.
Et on ne peut s'empêcher de penser que ce combat n'est pas le seul dans le monde contre un système qui laisse des populations s'enfoncer dans la pauvreté victimes d'un système qui les ignore.
Mayotte souffrant en plus de circonstances locales, avec un état qu'ils espéraient providence et qui se révèle facilement avare en ces temps de vache maigre, ce qui produit un énorme sentiment de tromperie et de frustration.
Mais il faudra bien éteindre le feu...
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire