23.4.13

La raie Manta nous aimanta

Le weekend dernier, sortie raie Manta dans le lagon nord de Mayotte.
Après beaucoup de recherches, un bain avec les dauphins (stenelles, curieux mais pas trop), nous avons enfin trouvé le but de notre sortie.
En surface, car elles s'y trouvent souvent pour engouffrer le plancton qu'elles adorent, voilà ce que ça donne:
Des taches sombres qui les trahissent quand il y a beaucoup de soleil.
Ce jour-là, nous en avons suivi deux pendant un bon moment car elles ne sont ni farouches ni dangereuses.
Elles étaient de taille moyenne, entre 1m50 et 2m d'envergure. Elles peuvent atteindre 6 mètres.
Les photos ne sont pas de moi mais elles reflètent bien ce que nous avons vu.
Le spectacle de ces ailes volantes sous-marines est à couper le souffle. Elles sont majestueuses.
Et pour une fois, Mayotte est à l'honneur, les raies Manta y sont désormais chez elles. En effet, il y a deux semaines, le nouveau préfet a signé un arrêté en interdisant la pêche dans le lagon et dans les eaux territoriales de l'île.
C'est une espèce menacée, qui sera bientôt protégée partout sans doute, tant elles sont faciles à capturer.
Mais cette fois, Mayotte montre l'exemple: c'est rare!
Elles pourront donc continuer de venir évoluer dans les eaux mahoraises, car dans leur trajet de l'Afrique du Sud au Mozambique, elles sont appréciées mais pour des raisons exclusivement culinaires.
Chez nous, elles vont devenir des stars comme les baleines, les dauphins, les tortues et les dugongs. Pas mal comme biodiversité protégée!

22.4.13

Tricheurs nés!

Aux dernières élections législatives, il y avait beaucoup de candidats: pensez donc, député, le pouvoir (ah! le pouvoir...), les avantages, l'argent....
Seulement voilà, dans notre République, il y a un code électoral, bref des règles, la France n'est pas certains états africains, qui jouent encore avec la sémantique républicaine ou démocratique mais n'en ont que les mots.
Donc ces messieurs Mahorais voulaient bien jouer mais avec leurs règles!
Résultat: le Conseil Constitutionnel les a déclarés inéligibles pour 3 ans.

Comme ils savent lire, c'est en toute connaissance de cause qu'ils n'ont présenté aucun compte de campagne. Pourquoi? Sans doute qu'ils ne devaient pas être jolis, jolis!
Mais la presse d'ici les caresse encore dans le sens du poil en suggérant que comme ils n'ont pas passé le premier tour, ils ne se croyaient pas obligés de les présenter, les comptes. Ben voyons!
Auparavant, deux maires avaient eux aussi subi le même sort pour des dons en espèces dépassant les 150 € (plusieurs milliers d'euros, voire plus parce que les espèces...).
Ce qui fait 9. C'est beaucoup.
Ajoutons les trois élus qui vont être condamnés par la justice, la charrette est pleine.
En comparaison, ils ne sont que 2 dans ce cas à La Réunion, qui comptait beaucoup plus de candidats.
Pour Mayotte, le grand nettoyage ne concernera donc pas que les plages... mais ailleurs, il a déjà commencé.

18.4.13

Plans de redressement

On pourrait dire:
 Mayotte au bord de la faillite!
Ou encore:
 Ces guignols qui nous dirigent! (mais là, c'est peut-être exagéré, disons profiteurs plutôt)

Explications:
La Cour Régionale des Comptes, qui surveille ceux des collectivités de Mayotte et de La Réunion, a rendu son avis:
10 communes mahoraises sont en déficit (en principe, c'est impossible), et surtout, le Conseil Général est toujours en déficit lui aussi (ainsi qu'un service de gestions des déchets).
Passons sur les communes, ce serait trop long: emplois fictifs, détournements, incompétence, ... pas sûr qu'on fasse mieux en métropole.
Mais le fameux Conseil Géré Mal, comme il a été si finement nommé dans une BD locale, est la discussion favorite des Mahorais.
Il n'y a pas de comptoir ici, mais les ragots vont bon train.
Les élus qui s'y sont succédé ont creusé un déficit abyssal en créant entre autres plus de 3000 emplois, là où 1000 suffiraient, et les hôtes actuels ne dérogent pas à la règle, malgré leurs airs angéliques.
Ils ont soi-disant ramené ledit déficit de 53 M€ à 17 M€. Le président de la CRC leur a fait remarquer sournoisement que « Cet excellent résultat, (...), est obtenu grâce aux recettes qui augmentent de 46M€ et donc non pas par une gestion rigoureuse, les dépenses de fonctionnement augmentant encore de 10M€ »
Mais il a aussi soupçonné ouvertement la collectivité d'avoir faussé le résultat en ne payant pas de grosses factures (électricité, par exemple) à temps, ce qui aurait terni la performance.
De vrais magiciens?
La défense avancée pour expliquer ce dédit chronique est que des charges devraient être assumées par l'état.
Celui-ci dépense pour Mayotte chaque année 550 M€, soit 2 500 euros par habitant ! 
Le 2 ème vice-président, qui n'a pas froid aux yeux, tient à sa performance et a une autre explication:

« La résorption du déficit du Conseil général est l’œuvre de Dieu ! »

A. L.  Malango
Si c'est Allah, alors! Le pire est que c'est ce que retiendront bon nombre de Mahorais: bien ou mal, ce qui arrive est voulu par Dieu. La discussion est close.

16.4.13

Très très chère vie à Mayotte

On va faire dans le sensationnel comme les infos de notre époque.
Du lourd, puisque pour du 0%, on se retrouve avec du +558%!!!
Explication:
Ces mêmes yaourts sont vendus 1,90 € en métropole... soit 5,58 fois plus chers ici!
Bon, il y a le transport aérien, mais sinon, qu'est-ce qui peut justifier une telle différence? Les douanes?

Deuxième exemple: le contrôle technique des voitures.
Je viens d'y faire passer la mienne, j'ai payé 85 €, comme il y a 2 ans, m'a rappelé le technicien.
Content d'avoir apporté ma contribution au développement de Mayotte payé ma facture sans augmentation, j'apprends quelques jours plus tard que c'est chez nous que le prix de ce contrôle est le plus élevé de France!
On est bien dans le rouge, rouge foncé car il est impossible de payer moins de 85 € dans tout notre département, c'est le même prix partout. En métropole, on peut faire jouer la concurrence, c'est justement le problème ici: certains secteurs sont en situation de monopole, ou bien appliquent tous le même tarif (entente?)

C'est sans doute pour cette raison que le 3ème vice-président du Conseil Général veut porter les indemnités des élus de 1500 € à ........ 3500 €, sans rire. Sans doute pour acheter des yaourts!
Au moins, lui, on sait pourquoi il s'est fait élire...
Au fait, il a déclaré son patrimoine?

14.4.13

Imelda

C'est le nom du 10ème système tropical de la saison cyclonique. Le I initial n'est que la neuvième lettre de l'alphabet car un système n'a pas atteint le grade de cyclone donc n'a pas été baptisé.
Ce météore, comme on dit dans la région, est très malicieux. Il a végété longtemps du côté de Diego Garcia où il a pris naissance le 3 avril, a changé plusieurs fois de trajectoire et d'intensité et ce n'est peut-être pas fini.
Ce soir, il est redevenu cyclone, semble-t-il pas pour très longtemps, mais il a provoqué une pré-alerte cyclonique à La Réunion et une alerte cyclonique à Maurice et à sa dépendance Rodrigues.
En rouge, de gauche à droite:
La Réunion, Maurice et Rodrigues
La trajectoire à venir est hasardeuse: soit il passe entre Maurice et Rodrigues et s'évacue gentiment vers l'est (ça, c'est ce qui était prévu il y a deux jours), soit il contourne Maurice et prend la direction de l'ouest, ce qui ressort des dernières prévisions.
Mais il y a plusieurs trajets prévus selon les agences dont un qui fait passer Imelda successivement sur Maurice et La Réunion.
De quoi s'inquiéter encore pour ce qui devrait être le dernier cyclone d'une saison cyclonique qui normalement s'arrête le 30 avril.
Pour nous à Mayotte, l'été se termine calmement, chaudement mais sans trop de pluies, ça devient une habitude et ce n'est pas normal. Où sont les pluies diluviennes qui duraient 3 jours?

12.4.13

Et Tromelin, alors?!


Eh oui! La question est d'importance!

Au moment où certains se demandent en métropole pourquoi Mayotte est française, en regard de ce qu'elle nous coûte et étant tellement différente de notre culture, on va discuter au Parlement français des autres petites îles de l'océan Indien, les si justement nommées îles Éparses.
Mais c'est quoi au juste ces cailloux?
Carte des îles Éparses, Ministère des Outremers
Et parmi ces confetti, il en est un à droite sur la carte au-dessus de La Réunion qui fait débat car il est question d'en abandonner une partie de notre souveraineté, bref de céder une partie de la France!
Et à qui? Aux Mauriciens!
Vous rendez-vous compte?
Mais voici la situation, exposée dans un article passionnant de Louis Imbert, du journal Le Monde d'hier 11 avril:

"Il était passé inaperçu au Sénat, l'îlot de Tromelin. Les sénateurs avaient ratifié sans débattre, en procédure simplifiée, un accord conclu en 2010, qui prévoit de partager une partie de l'administration de cette minuscule île française de l'océan Indien avec sa voisine, l'île Maurice, qui en revendique la souveraineté depuis son indépendance, en 1968.

L'île Tromelin, le 24 août 2012. | AFP/SOPHIE LAUTIER
L'Assemblée aurait probablement fait de même, jeudi 11 avril, si ce n'était l'esprit retors de Philippe Folliot, député UDI (centre) du Tarn. Passionné de confettis d'empire et compatriote tarnais de l'explorateur Jean-Louis Etienne, Folliot a repéré le nom de l'îlot dans les feuilles vertes où l'Assemblée égrène ses ordres du jour. Il s'est indigné. Allait-on brader un pan du territoire national ? Le ferait-on sans que les représentants du peuple n'en débattent ?
M. Folliot a écrit au président de l'Assemblée, Claude Bartolone. Il évoque"un grave précédent d'abandon de souveraineté". L'îlot est certes inhabité, reconnaît-il, mais son domaine maritime couvre environ 280 000 km2, soit un peu plus de la moitié de la France métropolitaine. Victoire pour M. Folliot : le texte a été reprogrammé en procédure régulière, avec débat possible à la clé. Dans le secret de la préfecture des Terres australes et antarctiques françaises (TAAF, à laquelle Tromelin est rattachée depuis 2007), on sourit : les représentants du peuple s'intéressent aux confettis des antipodes.
ARCHÉOLOGUES POUR ÎLE DÉSERTE
Ledit morceau de terre est une langue de sable qui ne dépasse pas 1,5 km de long et 700 mètres de large, et culmine à 8 mètres d'altitude. Un récif de corail, trop proche des côtes pour former un lagon, interdit aux bateaux d'accoster. On arrive à Tromelin en avion militaire Transall ou par hélicoptère. On croise à terre des oiseaux couvant au sol (fous masqués à palmes noires ou à pieds rouges, frégates...), des tortues franches et vertes et des employés de Météo France. Trois employés, précisément, qui ont charge d'incarner la souveraineté nationale et de laisser passer les cyclones. En rondes quotidiennes autour de l'île, ils comptent aussi les œufs de tortue. Cela dure deux mois environ, avant qu'une autre équipe ne les relève.
L'accord de cogestion conclu avec Maurice a été d'abord évoqué par Jacques Chirac en 1999, puis repris par Nicolas Sarkozy en 2010. Il prévoit de partager la responsabilité de Tromelin en matière de protection de l'environnement. Ceci explique le comptage des œufs de tortues.
On fera également ensemble, sur l'îlot cogéré, de l'archéologie. Cette année déjà, que le député Folliot vote oui ou non, des archéologues mauriciens feront partie de la quatrième campagne de fouilles locales. Ils chercheront les tombes de 81 esclaves abandonnés ici en 1761. Leur négrier, L'Utile, avait fait naufrage. Les blancs s'étaient sauvés sur un radeau. Les esclaves étaient restés là quinze ans, jusqu'à ce que le chevalier de Tromelin, qui donnera son nom à l'île, vienne recueillir les derniers survivants : sept femmes et un enfant de quelques mois. Ils mangeaient des oiseaux de passage et des œufs de tortues. On ne sait pas encore comment ils s'abritaient du vent.
L'accord prévoit, surtout, de partager la zone économique exclusive (ZEE) attachée à l'île pour la pêche au thon. Ces eaux-là ne grouillent pas de thoniers, qui préfèrent croiser de l'autre côté de Madagascar, dans le canal du Mozambique, côté Afrique. Mais cela pourrait changer. Ainsi, l'esprit d'entreprise des pirates somaliens, qu'on a vu descendre jusque-là, pousse déjà les cargos faisant route vers l'Asie à passer du côté de Tromelin.
Déjà, en 2009, on avait parlé de l'île à l'Assemblée, et de ses sœurs, les Éparses. Les budgets de la défense se réduisaient. L'armée voulait abandonner ces bouts de terre, qu'elle seule relie au monde. Elle y déploie quatorze militaires et un gendarme basés de façon permanente sur trois îles du canal du Mozambique (Glorieuses, Juan de Nova et Europa). Ses navires et ses avions Transall assurent la logistique, dont le coût global annuel était de 6,3 millions d'euros en 2009. Au dernier moment, les fonds n'avaient pas été coupés. Mais Philippe Foliot, secrétaire de la commission parlementaire défense, le sait : le nouveau livre blanc, attendu pour cet été, pourrait forcer à défendre de nouveau les confettis, certains aux eaux possiblement pétrolifères."
Nous y voilà: on parle beaucoup de pétrole et de gaz dans la région. Mayotte a été sondée et il paraîtrait que les Comores auraient au large de leurs côtes d'importantes réserves d'or noir.
Outre des bases logistiques éventuelles (mais pour quoi faire?), des réserves poissonneuses, ces îles pourraient donc receler des richesses?
Les mirages, c'est dans le désert, non?

11.4.13

L'île 100% nature

Ceux qui suivent ce blog régulièrement croient connaître un peu Mayotte.
Mayotte a des problèmes, de la violence, tout est à faire, une gigantesque poubelle, rien ne marche et il n'y a que le lagon pour sauver l'île.
Eh bien pas du tout!
Mayotte est un bijou, la preuve sur le site de ouverture-voyage

Vue comme ça, c'est la perle de l'Océan Indien.
Les Seychelles, Maurice, les Maldives, les îles Cocos, Zanzibar et même Mada n'ont qu'à bien se tenir!
Venez les touristes, si vous ne connaissez pas Mayotte (et il faut dire que vous êtes largement majoritaires), vous avez tout faux!
On vous aura prévenu, il n'y aura pas de place pour tout le monde (ça, c'est vrai...)

7.4.13

Paroles de sénateurs

Thani Mohamed Soilihi est un des 2 sénateurs de Mayotte. Il est apparenté PS.
L'autre est Abdourahamane Soilihi, et malgré le même patronyme (mais les noms, ici....), il n'est pas de la même famille puisqu'il est UMP.
Le premier est intervenu en séance dans le débat sur le mariage pour tous;
Voici son intervention très courageuse sur un sujet très sensible ici de par la composition de la société mahoraise:
M. le président. La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi.

M. Thani Mohamed Soilihi. Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, au regard des débats qui ont eu lieu à l’Assemblée nationale et dans les médias, on pourrait s’étonner de me voir prendre la parole dans cette discussion, moi qui suis l’élu d’un département d’outre-mer où la tradition culturelle est très forte, très différente de celle de la métropole et où 95 % de la population est de confession musulmane.
J’ai pourtant d’excellentes raisons, républicaines, de penser que ce projet de loi, avec tous les enjeux qu’il soulève, représente une chance plus qu’une opportunité. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Pour l’avocat que je suis, le fait que la France souhaite réparer une rupture d’égalité devant le droit en rejoignant les sept autres États de l’Union européenne qui ont ouvert cette voie est une raison suffisante d’agir en tant que législateur. Pour le représentant d’une île qui a tant marqué son attachement à notre pays, c’est une occasion supplémentaire de réaffirmer l’ancrage de ce territoire dans la République.
Je vais vous présenter les raisons qui, transcendant mes convictions religieuses, me poussent à voter ce projet de loi.

M. Thani Mohamed Soilihi. Auparavant, toutefois, permettez-moi de faire une remarque d’importance. J’ai été très étonné d’apprendre que des membres d’une association avaient prié devant l’Assemblée nationale et demandé à le faire aussi devant le Sénat, alors même que les prières de rue sont interdites, à juste titre, au nom de la laïcité ! (Vifs applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.) Cette interdiction ne saurait s’appliquer aux seuls musulmans de notre pays, au nom du principe d’égalité ! (Applaudissements sur les mêmes travées.)

M. François Rebsamen. Très bien !

Mme Éliane Assassi. Très juste ! Ce qui vaut pour les uns doit valoir aussi pour les autres.

M. Thani Mohamed Soilihi. Cette parenthèse refermée, j’en viens aux raisons pour lesquelles je voterai ce projet de loi.
En premier lieu, les couples de même sexe sont aujourd’hui placés dans une situation d’inégalité inacceptable puisque, pour organiser une vie commune, ils n’ont pas d’alternative au PACS, convention qui ouvre des droits étroitement limités. Je vous rappelle que le PACS, qui a démontré son utilité, s’était heurté au moment de sa création à une vive opposition. Il est d’ailleurs amusant d’observer que ses opposants d’hier en sont devenus les ardents défenseurs !

M. Thani Mohamed Soilihi. Le présent projet de loi a le mérite de mettre fin à ces situations d’inégalités et de discriminations indirectes en ouvrant le mariage aux personnes de même sexe.
Il permet également d’offrir aux enfants élevés par un couple homosexuel un cadre familial plus sûr et plus protecteur juridiquement. Car ces enfants existent : selon les associations de parents homosexuels, 200 000 à 300 000 enfants seraient concernés. Nous ne pouvons pas les ignorer, sous prétexte qu’ils heurtent nos représentations morales ou religieuses.
Ensuite, il faut reconnaître que, dans nos îles, l’homosexualité est plus difficile à vivre qu’ailleurs : l’insularité peut y rendre le regard social plus pesant, plus réprobateur qu’en d’autres endroits. Si la diversité sociologique, géographique, culturelle et religieuse des outre-mer est une réalité, elle ne doit pas servir de prétexte pour se soustraire aux avancées sociales de notre pays ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)


M. Thani Mohamed Soilihi. Je crois vraiment que nous ne pouvons pas revendiquer l’appartenance à la République et réclamer l’application du droit commun, par exemple en matière de départementalisation, tout en faisant valoir des particularités locales lorsqu’un projet de loi nous contrarie.
Il ne peut y avoir de rupture du pacte républicain entre la France et les outre-mer, surtout quand il s’agit de libertés. Nous avons tant lutté pour elles et nous luttons encore, qu’il s’agisse de l’abolition de l’esclavage, de la départementalisation pour ce qui concerne mon île, ou de notre conquête de l’égalité des droits !
Pas plus que l’abandon légal de la polygamie à Mayotte, coutume interdite en 2005 quoiqu’elle fasse partie intégrante de notre culture, la possibilité donnée aux couples homosexuels de s’unir ne sonnera le glas de notre identité.

M. Marc Daunis. Bravo !

M. Thani Mohamed Soilihi. Enfin, je tiens à rappeler que ce projet de loi répond à un engagement de campagne clair du candidat François Hollande. (Murmures sur les travées de l'UMP.) Il est normal que, devenu Président de la République, il mette en œuvre sa politique au profit de tous les Français. C’est notamment la raison pour laquelle le Gouvernement, qui poursuit la consolidation du processus de départementalisation voulu par les Mahorais, a prévu à l’article 21 du projet de loi que les dispositions relatives aux prestations familiales seraient applicables à la situation de parents de même sexe.
En somme, je considère que ce projet de loi, défendu avec conviction et talent par une ministre elle-même ultramarine, est une formidable occasion de montrer que nous sommes capables d’aller vers l’intérêt général et le dépassement de nos intérêts individuels en portant, mieux encore que quiconque, les grandes avancées symboliques de notre République. C’est à ce prix que les sociétés évoluent et que les droits et les libertés progressent. Je voterai ce projet de loi, qui constitue pour nous tous un véritable progrès pour l’égalité des droits – ce n’est pas Mme Bariza Khiari qui me contredira ! (Bravo ! et vifs applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE. –L’orateur est chaleureusement félicité par ses collègues.)

Voici l'intervention de l'autre sénateur, Abdourahamane Soilihi:



M. le président. La parole est à M. Abdourahamane Soilihi.

M. Abdourahamane Soilihi. Monsieur le président, mesdames les ministres, madame, monsieur les rapporteurs, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui au Sénat un texte d’une importance capitale pour la nation française tout entière. Or, en cet instant, je m’interroge sur son opportunité, étant donné qu’il est fortement contesté par la quasi-majorité de nos concitoyens.
M. Jean Bizet. C’est vrai !
M. Abdourahamane Soilihi. C’est dire, madame le garde des sceaux, à quel point les nombreuses manifestations d’hostilité à ce projet de loi méritent d’être entendues car elles sont bien fondées.
M. Serge Larcher. Il y avait 100 manifestants en Martinique !
M. Abdourahamane Soilihi. Si le texte fait l’objet de vives désapprobations dans l’Hexagone, sachez, mesdames les ministres, mes chers collègues, qu’il ne rencontre guère un écho plus favorable dans les collectivités ultramarines.
Partout, sur notre territoire national, les cris se multiplient pour dénoncer, d’une part, un projet de loi inopportun eu égard au climat exacerbé et émaillé de tensions économiques et sociales fortes et, d’autre part, une promesse de campagne qui heurte profondément les valeurs fondatrices de notre modèle démocratique.
Par ailleurs, il me paraît légitime de reconnaître que les couples constitués de personnes de même sexe ont pleinement leur place dans le pacte républicain qui nous unit. Et la nation doit leur garantir respect et protection. Cela étant, leur homosexualité ne devrait être un motif de rejet d’aucune sorte par la communauté.
Cependant, la notion de mariage civil telle que préconisée par la législation suppose l’union d’un homme et d’une femme pour fonder une famille.
Cette remarque m’amène à attirer votre attention, mes chers collègues, sur le cas spécifique de Mayotte, car l’institution du mariage homosexuel ne présente pas la même dimension en métropole que dans les territoires lointains.
Pour ce qui concerne cette collectivité, fraîchement transformée en département, où le processus de droit commun n’en est qu’à ses balbutiements, l’attention à son égard doit rester intacte du fait des risques de démembrement ou de dénaturation d’un modèle uniforme de société.
Pour le deuxième anniversaire de la départementalisation, pas plus tard que le week-end dernier, ce territoire et ses habitants ont encore réaffirmé leur adhésion aux principes et aux valeurs qui fondent notre République.
Devrais-je vous dire, madame le garde des sceaux, qu’il ne s’agit nullement d’opposer les principes fondateurs de nos diversités et singularités culturelles à celui d’égalité républicaine tant sur le plan national que dans nos outre-mer respectifs ? Je sais que ce n’est pas vous qui contredirez mon affirmation selon laquelle ce sont ces inégalités qui font l’actualité dans nos collectivités ultramarines.
Quant à nos spécificités, force est de préserver avec la plus grande acuité nos références culturelles et sociétales, gages de nos identités individuelles dans une République indivisible.
Au demeurant, un débat s’est tenu le 20 février dernier, ici même, au Sénat. Une fois de plus, il a largement contribué à mettre en exergue les défis majeurs auxquels la deuxième île française de l’océan Indien est confrontée. Il y a eu unanimité pour dire que tout est à construire du point de vue économique et que culturellement Mayotte doit rester ce qu’elle est pour préserver son identité.
À cet effet, j’affirme qu’il ne faut pas mélanger le désir de changement revendiqué par une minorité de personnes qui réclame l’égalité de droit, et le danger de mettre en péril nos structures sociétales, qui sont enracinées avec constance, et ce en conformité avec nos traditions.
Permettez-moi de formuler quelques observations de forme sur Mayotte, une collectivité désormais régie par le principe de l’identité législative. Cela suppose que les lois s’y appliquent de la même manière à tout le monde et sans exception. Or, en raison des inégalités sociales qui y existent, ce territoire est devenu le théâtre de manifestations interminables auxquelles participent légalement des citoyens qui réclament leur dû aux pouvoirs publics.
Vous le constatez, madame le garde des sceaux, nos compatriotes mahorais attendent de votre gouvernement des mesures de changement concrètes en faveur de la justice sociale et non la destruction des bases sociétales, qui les caractérisent à bien des égards.
Avec force, je vous dis que le présent texte est en contradiction totale avec la société, même si vous considérez, pour votre part, qu’il constitue une évolution majeure.
Je tiens à souligner qu’un rapport de 2008 de nos collègues Christian Cointat, Jean-Jacques Hyest, Yves Détraigne et Michèle André, intitulé Départementalisation de Mayotte : sortir de l’ambiguïté, faire face aux responsabilités, tire avec éclat les enseignements de la mise en œuvre progressive et adaptée de la mutation statutaire et du fonctionnement progressif des institutions afin d’assurer l’avenir harmonieux de l’île tout en conciliant la préservation des équilibres socio-économiques et le respect des exigences républicaines.
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Abdourahamane Soilihi. Madame le garde des sceaux, le changement profond de société que vous proposez amènera certainement les Mahorais à être confrontés à un paradoxe qui ne fera que remettre en cause les aspects inhérents aux traditions et cultures locales à valeur coutumière.
À juste titre, la religion musulmane, implantée à Mayotte depuis le XVe siècle, soit bien avant l’arrivée de la France, occupe une place centrale dans l’organisation sociale ; près de 95 % des Mahorais sont d’obédience musulmane et pratiquent avec modération cette religion, qui se veut paisible et courtoise.
M. le président. Mon cher collègue, votre temps de parole est écoulé.
M. Abdourahamane Soilihi. Vous l’aurez compris, mesdames les ministres, mes chers collègues, l’inadéquation du projet de loi est telle par rapport aux constats que je viens d’établir qu’il ne peut exister aucune adaptation possible, compte tenu des spécificités de Mayotte. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)

Chacun se fera son opinion.

5.4.13

Le grand bazar de Bandraboua (et de Mayotte)

Les municipales 2014 ont semble-t-il de l'avance à Mayotte.
Bandraboua a ouvert un bazar dans son hôtel de ville, comme le signale
cet article du site indian-ocean-times.com:

Le maire de la commune de Bandraboua, dans le Nord-Est de Mayotte, 
a été épinglé par la justice après la découverte d'un vaste système de 
distribution illégale de biens matériels (réfrigérateur, congélateur, gazinière, 
machine à laver, WC, télé, lit et matelas ou armoire), en guise d'aides 
sociales déguisées à certains administrés de sa collectivité.

Certains bénéficiaires n'étaient nullement dans le besoin, à l'instar de 
fonctionnaires et commerçants qui ont bénéficié de cette généreuse 
distribution de cadeaux.

C'est un habitant de Bandraboua qui a mis à ce jour le système et a 
décidé de porter l'affaire devant le tribunal administratif.

Ce dernier lui a donné raison, le 28 mars dernier, en annulant les 
délibérations du conseil municipal en rapport direct avec cette distribution 
illégale et a condamné la commune de Bandraboua à lui verser la somme 
de 1.500 euros.
La marchandise est bien gardée!

On connaissait les billets distribués devant les bureaux de vote le jour du 
scrutin, les fausses listes électorales, les intimidations plus ou moins 
musclées et donc de nombreuses annulations d'élections (à Sada, par 
exemple, il a fallu revoter 3 fois).
Désormais, on s'y prend un an à l'avance. Et à mon avis, on ira de 
découvertes en découvertes jusqu'à l'année prochaine.
Mais finalement, c'est fréquent, ici, le maire de Koungou (2ème ville 
de Mayotte) a bien été viré , pardon: révoqué pour une sombre affaire 
d'aide au séjour irrégulier de clandestins, usage de faux et corruption 
le 13 janvier dernier, et que dire de la gestion des fonds et des emplois 
au Conseil Général! Celui-ci emploie 3000 agents payés 25% plus cher 
que dans les autres DOM, alors qu'en Guadeloupe par exemple,
il y en a 1200 pour une population 3 fois plus élevée!
Dis Papa, c'est loin l'Afrique?

2.4.13

Deux ans d'impatience

Le 31 mars 2011, Mayotte est devenue le 101ème département français. En fait, elle est devenue DROM comme on les appelle désormais: Département-Région d'Outre-Mer.
Ce weekend, pas tellement pascal ici, forcément, bien que hier était férié quand même, on a donc célébré le deuxième anniversaire de la transition.
Il n'a pas donné lieu à de grandes festivités: un colloque, quelques personnalités de seconde importance, une pincée de folklore et ɓasi ! (c'est tout, en shiMaore)
Parmi les analyses des avancées, en voici une un peu extérieure d'une journaliste de rfi :


Deux ans après, le département de Mayotte se sent toujours «oublié»

Le mouvement de grève des fonctionnaires pour l'indexation des salaires a duré dix jours.
Le mouvement de grève des fonctionnaires pour l'indexation des salaires a duré dix jours.
RFI/Aurore Lartigue

Par Aurore Lartigue
En 2009, à l'issue d'un référendum, les Mahorais décidaient d'abandonner le statut de collectivité territoriale pour devenir le 101e département français et le 5e département d'outre-mer (DOM). Depuis le 31 mars 2011, ce statut est effectif et a entraîné des bouleversements profonds sur une île jeune et en proie à d'énormes problèmes. Deux ans après, à 8 000 kilomètres de la métropole, on oscille toujours entre patience et déception.

Mayotte a bien failli célébrer les deux ans de la départementalisation au milieu des manifestations, devenues habituelles ces deux dernières années. Cette fois, les fonctionnaires réclamaient l'indexation des salaires et l'égalité avec leurs confrères m'zungus - les Blancs - qui bénéficient de primes.
La départementalisation, Mayotte l'a souhaitée à 95%. Plus que par attachement à la France, il s'agissait d'abord de rester indépendante des Comores. Les Mahorais craignant la soumission à Moroni. Avec un PIB dix fois supérieur à celui de ses voisins, les Mahorais savent qu'ils sont mieux lotis que leurs voisins. « Mayotte s'est beaucoup développée : des écoles ont été construites, les routes refaites. La départementalisation est une bonne chose, assure Ibrahim. A 51 ans, son français est hésitant comme souvent ici où la langue maternelle est le shimaoré ». Son espoir : le statut de Région ultra-périphérique (RUP) qui doit permettre en 2014 à l'île d'accéder aux fonds de l'UE. 
Un département « discriminé »
Côté responsables, le discours est tout autre. Pour eux, Mayotte est « discriminé » par rapport aux autres DOM. « Il n'a pas fallu longtemps pour se rendre compte qu'on allait faire de nous des sous-citoyens dans un sous-département, s'emporte Rivo, le leader du SNUIPP, le syndicat des instituteurs, bien conscient que la crise économique ne va pas arranger les choses. On est au bord de l'explosion ! Ce que veulent les Mahorais, c'est l'égalité républicaine ».
Contrée lointaine longtemps délaissée par la France, depuis une douzaine d'années, Mayotte a entamé un rattrapage à « vitesse grand V ». Le PIB par habitant a presque doublé. Mais l'île part de très loin et reste le département le plus pauvre. 92% de la population vivrait en-dessous du seuil de pauvreté métropolitain. En dépit de ce constat, elle va devoir attendre pour voir s'appliquer les mêmes droits qu'ailleurs. Pour exemple, le Revenu de solidarité active (RSA), progressivement mis en place, ne correspond aujourd'hui qu'à 37,5% du montant métropolitain.
En 2014, de nouveaux impôts (taxe foncière et taxe d'habitation) feront leur apparition. Un sacré bouleversement, et là, souligne-t-on, il n'y aura pas de mise en place progressive comme pour les prestations sociales.
Des dépenses toujours insuffisantes en matière d'éducation
Pour illustrer ce traitement inégalitaire, c'est l'éducation qui revient. Depuis que Mayotte est intégrée dans la République, tous les enfants doivent être scolarisés. Mais les salles de classes manquent et les établissements sont parfois obligés de fonctionner par rotation : cours le matin ou l'après-midi. « Est-ce acceptable en France, s'indigne Thani Mohamed Soilihi, alors qu'on débat sur les rythmes scolaires ! ». Un enjeu considérable pour l'Etat quand on sait que plus de 50% de la population a moins de 20 ans et que le taux d'illétrisme bat des records. « Sauf que, relève l'économiste Antoine Math, le niveau des dépenses d’éducation par élève est encore moitié moins élevé ici que dans les autres régions ».
Pas de miracle
« Tous ceux qui espéraient que la départementalisation allait être la panacée sont déçus. Il n'y a pas eu de miracle », se désole le sénateur Thani Mohamed Soilihi. Et l'élu de pointer son effet pervers : « Pendant des années, au lieu de demander plus de développement, d'égalité sociale, le département a été la seule revendication ». Le nouveau préfet, Jacques Witkowski, arrivé il y a un mois, concède que l'égalité prendra du temps, 20 à 25 ans, c'est le délai promis par le gouvernement. « Dans les autres DOM, cela a pris plus de 60 ans », rappelle-t-il.
Un argument inacceptable, pour le sénateur socialiste. « Quel département a vu en moins d'une décennie la part de son immigration clandestine représenter 40 % de la population ? », s'interroge Thani Mohamed Soilihi. La pression migratoire, voilà le principal problème auquel ce département balbutiant doit faire face.
Polygamie interdite et justice musulmane supprimée
On pointe aussi la responsabilité des politiques locaux. Le Conseil général, par exemple, incarne tous les problèmes de l'île. Conséquence d'années de clientélisme qui ont mené à faire gonfler le nombre d'agents sous qualifiés, son action actuelle est plombée par un déficit que la nouvelle équipe peine à résorber.
Résultat : 80% du budget englouti en frais de fonctionnement, et seulement 3% des dépenses consacrées à l'aide sociale à l'enfance, qui devrait en constituer l'essentiel.
Pour le député Boinali Saïd, « les Mahorais n'ont pas été suffisamment préparés à ce changement. Il faut qu'ils prennent conscience que la République c'est des droits, mais aussi des devoirs. On est encore dans une logique de colonisation où l'on attend que l'Etat français donne».
Musulmans à 95%, ils ont pourtant fait des concessions pour se couler dans un modèle de société occidentale. Interdiction de la polygamie, relèvement de l'âge légal du mariage, fin de la justice cadiale rendue par des juges musulmans.
Aujourd'hui, les Mahorais aimeraient que la devise « Liberté, Egalité, Fraternité » ne soit pas qu'un slogan.

Le député Boinali Saïd a la mémoire courte: il y a un an, il était syndicaliste et attendait lui aussi que «l'Etat français donne». Serait-il passé du côté des colons?
Ah! la politique!