22.5.12

Fin d'histoire sans fin

Mais avant, pour que l'on n'oublie pas trop vite cette souffrance (sous-France?) ordinaire, une réflexion pertinente.
Le docteur Jean-François Corty, directeur des missions France de Médecins du monde, clôt ce dossier, avant malheureusement le prochain. Une interview de Mayotte1ère:
"Après l’abandon des recherches pour retrouver les 15 disparus du kwassa-kwassa en provenance d’Anjouan qui a chaviré samedi, le docteur Jean-François Corty, directeur des missions France de Médecins du monde fait part de sa colère contre la situation des immigrés illégaux à Mayotte.
Avec 5 morts et quinze disparus, peut-on dire que le bilan du drame est de 20 morts ?
Oui si l’on considère que les disparus des précédents épisodes n’ont jamais été retrouvés. Il ne faut pas oublier que ce genre de tragédie est fréquent à Mayotte, même si on ne dispose pas de chiffres précis. Les kwassa-kwassa prennent de gros risques et ne sont pas toujours retrouvés en cas d’accident.
Pourquoi prendre de tels risques ?
Pour comprendre, il faut avoir quelques chiffres en tête : Mayotte, c’est 200 000 habitants dont un tiers en situation irrégulière, essentiellement originaires des Comores. C’est aussi 25 000 expulsions par an, soit autant que sur l’ensemble du territoire français. En augmentant la surveillance radar des côtes, on augmente le prix demandé par les passeurs et donc l’attractivité de ce business, c’est un cercle infernal.
Les pouvoirs publics doivent pouvoir lutter contre l’immigration clandestine…
Vous savez, Anjouan et Mayotte font partie du même archipel. Il y a toujours eu des échanges entre ces deux îles distantes d’une soixantaine de kilomètres. Les Anjouanais ne sont illégaux à Mayotte que depuis le "visa Balladur" en 1995. Par ailleurs, la politique du chiffre pratiquée ces dernières années a des conséquences sanitaires dramatiques.
C’est à dire ?
D’abord, les descentes de police poussent les clandestins à aller dormir en forêt et imposent un climat de stress à tout le monde. Par ailleurs, nous recevons plus de 4000 patients dans notre consultation pédiatrique de Mamoudzou. Dans 60% des cas, les parents ont différé l’accès au soin par peur d’être arrêtés pendant le voyage. Du coup, ils attendent que l’état de l’enfant soit très grave avant de prendre le risque de venir nous voir. Il arrive aussi très souvent que des enfants se retrouvent à la rue alors que leurs parents ont été expulsés. Il y a entre 1000 et 3000 enfants des rues à Mayotte qui sont la conséquence directe de la politique migratoire. Nous ne demandons pas la fin de cette politique, mais juste qu’elle soit moins violente."


Deux remarques: 
D'une part, on est pratiquement sûr qu'il se produit d'autres drames comme celui-ci mais personne ne le découvre à temps.
D'autre part, les 15 disparus ne sont peut-être pas tous morts car la volonté et l'instinct de survie, plus la solidarité et l'envie de ne pas se faire prendre, ont peut-être permis aux plus valides (une pensée pour les enfants) d'entre eux de rejoindre à la nage la côte mahoraise. Et ne comptez pas sur les autres rescapés pour en parler. De toutes façons, les passeurs se gardent bien d'établir une liste au départ. 
Admirable et sordide à la fois.
À Mayotte, il pleut à nouveau depuis ... samedi.

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