Enfin un regard extérieur sur le mouvement en cours, pêché dans le Monde Diplomatique :
La révolution des «mabawas» à Mayotte
par Philippe Leymarie, jeudi 6 octobre 2011
« Mabawas » : c’est ainsi qu’on appelle, à Mayotte, les ailes de poulet. Elles font partie des produits de première nécessité (avec la farine, le riz, le sucre, le lait, les tomates, le gaz et le sable…). Et elles sont devenues le symbole du vigoureux mouvement social contre la vie chère déclenché il y a une dizaine de jours, dans cette île de l’archipel des Comores, au sud-ouest de l’océan Indien, devenue le 31 mars dernier le cent unième département français d’outre-mer.
Grève quasi générale depuis le 27 septembre, avec, presque tous les jours, des manifestations, des barrages, et parfois même le blocage de l’accès à l’aéroport, sous le slogan « Mabawas nachouké ! » (ailes de poulet moins chères !). Pas de victimes jusqu’ici, mais des jets de pierre, quelques voitures incendiées, des gaz lacrymogènes et des interpellations. La gendarmerie mobile – composée en grande majorité de fonctionnaires européens, bardés de leurs protections noires en écailles, très Robocop, comme dans l’Hexagone – a même sorti quelques blindés, pour faire sauter les obstacles. Trois pelotons sont arrivés en renfort de La Réunion.
« Débordements inacceptables », lance la ministre de l’outre-mer, Mme Marie-Luce Penchard, qui invoque « la sécurité des personnes »,ajoutant, sur un ton alarmiste : « Personne ne peut souhaiter une issue dramatique à ce conflit ». Tandis que François Hollande, un des candidats socialistes à l’investiture pour l’élection présidentielle, appelle le gouvernement – qui devrait être « instruit par l’expérience de la grave crise antillaise de 2009 » (1) – à ne « pas laisser pourrir la situation ». Le LKP guadeloupéen a de son côté apporté son « soutien à la mobilisation des travailleurs et du peuple de Mayotte ».
Mais l’Etat ne se sent pas directement concerné par ce conflit social, rappelant simplement les grands chantiers engagés depuis la « départementalisation » : santé, formation, accès à Internet et, à partir de janvier prochain, l’application du Revenu de solidarité active (RSA) – traditionnel instrument « d’arrosage » outre-mer, qui devrait calmer certaines ardeurs (mais aussi enfoncer un peu plus l’île dans l’assistance, comme c’est déjà le cas aux Antilles et à la Réunion).
L’intersyndicale (CGT-Ma, Cisma-CFDT, Solidarité mahorais et le Collectif des citoyens perdus) alliée à des associations de consommateurs (Ascoma, Afoc) se plaint d’un manque de concurrence, qui tire les tarifs vers le haut, et demande au patronat des grandes surfaces ainsi qu’aux services de l’Etat et du département un engagement écrit sur une baisse des prix des produits de base, et notamment des cartons de découpe de volailles vendus presque deux fois plus cher que dans l’Hexagone, des bouteilles de gaz trois fois plus coûteuses, etc.
L’aile dure du mouvement cherche à bloquer les ronds-points de circulation et à fermer d’autorité les magasins qui ne se joignent pas spontanément à la grève. De plus en plus de ménagères participent aux manifestations, qui rassemblent régulièrement plusieurs milliers de personnes.
Le président du conseil général, contraint par les syndicalistes à sortir de sa réserve, se désole des pertes de recettes consécutives aux baisses de droits de douane intervenues depuis 2010 sur les produits de première nécessité – soit autant d’argent qui ne pourra être réinjecté – et attribue « le mal-être plus profond » à la délinquance actuelle,« avec son lot de vols, viols, d’émergence de jeunes bandes (2) ».
Les Mahorais – qui seraient 200 000 dans une île qui a grandi trop vite, à l’abri de la France, et de plus en plus coupée de son environnement naturel (Comores, Madagascar), avec un taux record de reconduites de sans-papiers à la frontière – découvrent que le statut départemental (qu’ils n’avaient cessé de réclamer) n’amène pas automatiquement l’égalité, la solidarité, ni une manne de crédits. Et qu’il continuera d’attirer les Comoriens d’Anjouan ou d’autres îles, pour qui Mayotte – même en butte à la cherté de la vie – reste un îlot de prospérité au milieu d’un océan de misère.
« Mabawas » : c’est ainsi qu’on appelle, à Mayotte, les ailes de poulet. Elles font partie des produits de première nécessité (avec la farine, le riz, le sucre, le lait, les tomates, le gaz et le sable…). Et elles sont devenues le symbole du vigoureux mouvement social contre la vie chère déclenché il y a une dizaine de jours, dans cette île de l’archipel des Comores, au sud-ouest de l’océan Indien, devenue le 31 mars dernier le cent unième département français d’outre-mer.
Grève quasi générale depuis le 27 septembre, avec, presque tous les jours, des manifestations, des barrages, et parfois même le blocage de l’accès à l’aéroport, sous le slogan « Mabawas nachouké ! » (ailes de poulet moins chères !). Pas de victimes jusqu’ici, mais des jets de pierre, quelques voitures incendiées, des gaz lacrymogènes et des interpellations. La gendarmerie mobile – composée en grande majorité de fonctionnaires européens, bardés de leurs protections noires en écailles, très Robocop, comme dans l’Hexagone – a même sorti quelques blindés, pour faire sauter les obstacles. Trois pelotons sont arrivés en renfort de La Réunion.
« Débordements inacceptables », lance la ministre de l’outre-mer, Mme Marie-Luce Penchard, qui invoque « la sécurité des personnes »,ajoutant, sur un ton alarmiste : « Personne ne peut souhaiter une issue dramatique à ce conflit ». Tandis que François Hollande, un des candidats socialistes à l’investiture pour l’élection présidentielle, appelle le gouvernement – qui devrait être « instruit par l’expérience de la grave crise antillaise de 2009 » (1) – à ne « pas laisser pourrir la situation ». Le LKP guadeloupéen a de son côté apporté son « soutien à la mobilisation des travailleurs et du peuple de Mayotte ».
Mais l’Etat ne se sent pas directement concerné par ce conflit social, rappelant simplement les grands chantiers engagés depuis la « départementalisation » : santé, formation, accès à Internet et, à partir de janvier prochain, l’application du Revenu de solidarité active (RSA) – traditionnel instrument « d’arrosage » outre-mer, qui devrait calmer certaines ardeurs (mais aussi enfoncer un peu plus l’île dans l’assistance, comme c’est déjà le cas aux Antilles et à la Réunion).
L’intersyndicale (CGT-Ma, Cisma-CFDT, Solidarité mahorais et le Collectif des citoyens perdus) alliée à des associations de consommateurs (Ascoma, Afoc) se plaint d’un manque de concurrence, qui tire les tarifs vers le haut, et demande au patronat des grandes surfaces ainsi qu’aux services de l’Etat et du département un engagement écrit sur une baisse des prix des produits de base, et notamment des cartons de découpe de volailles vendus presque deux fois plus cher que dans l’Hexagone, des bouteilles de gaz trois fois plus coûteuses, etc.
L’aile dure du mouvement cherche à bloquer les ronds-points de circulation et à fermer d’autorité les magasins qui ne se joignent pas spontanément à la grève. De plus en plus de ménagères participent aux manifestations, qui rassemblent régulièrement plusieurs milliers de personnes.
Le président du conseil général, contraint par les syndicalistes à sortir de sa réserve, se désole des pertes de recettes consécutives aux baisses de droits de douane intervenues depuis 2010 sur les produits de première nécessité – soit autant d’argent qui ne pourra être réinjecté – et attribue « le mal-être plus profond » à la délinquance actuelle,« avec son lot de vols, viols, d’émergence de jeunes bandes (2) ».
Les Mahorais – qui seraient 200 000 dans une île qui a grandi trop vite, à l’abri de la France, et de plus en plus coupée de son environnement naturel (Comores, Madagascar), avec un taux record de reconduites de sans-papiers à la frontière – découvrent que le statut départemental (qu’ils n’avaient cessé de réclamer) n’amène pas automatiquement l’égalité, la solidarité, ni une manne de crédits. Et qu’il continuera d’attirer les Comoriens d’Anjouan ou d’autres îles, pour qui Mayotte – même en butte à la cherté de la vie – reste un îlot de prospérité au milieu d’un océan de misère.
(1) La Guadeloupe avait connu en 2009 quarante-quatre jours d’une grève menée par près de cinquante organisations syndicales ou associations fortement politisées, avec blocage complet de l’économie.
(2) Cf. Malango actualités , la meilleure source d’information du moment à propos de Mayotte.
Après 16 heures de négociations, un appel au calme a été lancé (enfin) par les responsables syndicaux. La circulation a repris ce matin mais pas question de s'éloigner trop loin de peur de ne pas pouvoir revenir et peut-être pire (on a parlé de racket aux barrages et hier, un jeune en scooter s'est fait poignarder et dépouiller pour avoir voulu forcer un de ces barrages).
Les Mahorais attendent, l'issue des négociations sans doute, les jeunes doivent se préparer, le distributeur de La Poste a été alimenté ce matin mais pour acheter quoi? Tout est fermé, même ma boulangerie, et peu de personnes ont répondu à mes 'bonjour' ce matin. Ambiance.
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