31.1.14

Les DOM à sec

L'insularité est une situation qui peut entraîner des conséquences plus ou moins importantes.
Mayotte, comme les autres îles départements ultramarins (la Guyane est à part), va connaître des jours compliqués.
Depuis hier, toutes les stations-service sont fermées pour une durée indéterminée.
Le gouvernement souhaite plus de transparence dans la formation des prix, donc des marges réalisées par les compagnies pétrolières dans les DOM. Il y a sûrement des raisons à cela...
Quand la nouvelle a été connue, les pétroliers sont montés au créneau pour défendre leurs pratiques. Des négociations ont été entamées mais le gouvernement y a mis fin en décidant unilatéralement l'entrée en vigueur de la mesure dès le 1er février.
Résultat: dans tous les DOM, une grève a été déclenchée par les gérants des stations qui craignent des représailles des compagnies pétrolières.
Les uns défendent leurs privilèges, les autres leur emploi, on a l'habitude.
Mais encore une fois, Mayotte se distingue.
Ici, les 7 stations-service de l'île pour plus de 210000 habitants (1 pour 30000!) appartiennent exclusivement à Total, qui est raffineur, importateur, qui stocke et distribue: pas de gérant, mais des employés.
C'est d'ailleurs ce qui nous vaut d'être servis par les hommes en rouge quand nous achetons du carburant, pratique depuis longtemps abandonnée en métropole.
Ici, pas d'automate qui fonctionne 24h/24, même si la possibilité a été évoquée par Total, soulevant aussitôt la colère des employés craignant que ces machines ne les remplacent.
Mais revenons à nos zébus!
Comme la grève des gérants qui touche en ce moment les 4 autres départements d'outremer ne concernait pas Mayotte qui n'a pas de gérant de station-service, vous suivez?, on croyait qu'on ne serait pas touché, que tel le nuage radioactif tchernobylesque, la grève s'arrêterait aux rivages de Mayotte.
Bref, on s'est laissé avoir!
C'était sans compter le roi du pétrole local: le patron de Total a décrété qu'il fermait ses stations mahoraises, comme ça, sans préavis, prenant tout le monde de court! En continuant de payer ses employés, à ne rien faire!
Panique générale: la ruée vers l'or noir a déferlé vers les précieuses pompes dans l'après-midi de jeudi, provoquant des files de voitures monstres, bloquant la circulation pendant des heures sur la seule route littorale, ainsi qu'un attroupement, digne d'une manif, de piétons bardés de bidons, jerrycans et autres récipients (principalement pour les bateaux) et devant le nombre, l'angoisse de ne pas être servi a même provoqué des bagarres avant que la police ne vienne y mettre bon ordre!

Vers 21 heures, les malheureux encore dans les files d'attente ont dû se résigner à rentrer chez eux bredouilles, après 4 heures de queue.
Depuis, on attend.
Entre temps, le Préfet a pris des mesures de réquisition, dressant la liste habituelle des prioritaires (pompiers, ambulances, police, barge, etc...) au ravitaillement, mais craignant la paralysie économique de l'île qui n'en a vraiment pas besoin, il a rallongé sa liste. Il a autorisé également tous les professionnels (terre et mer), les services publics puis, devant la grogne montante, a étendu son sésame aux taxis, essentiel moyen de déplacement de très nombreux Mahorais qui n'ont pas de permis ou de véhicule, aux transports scolaires et aux fonctionnaires.
Devant ce bouclier largement troué, l'ambiance s'est un peu détendue.
Pendant ce temps, à Paris, le ministre des outremers, V. Lurel, reste ferme, arguant entre autres que les pétroliers des DOM ont réalisé l'an passé 100 millions d'euros de profit et que son décret ne leur en coûterait que 13. Mais il n'a pas publié ses mesures au JO.
Et donc, à Mayotte, à la Réunion, en Guadeloupe, en Martinique et en Guyane, c'est un weekend sans sortie qui se prépare, sans savoir jusqu'à quand la pénurie se poursuivra.

Aucun commentaire: